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27/11/2022 17:24

SOCIÉTÉ : Emmanuel Macron entend constituer un «écosystème» pour lutter contre les violences intrafamiliales

«Il y a eu un immense travail de formation de nos forces de sécurité intérieure», a indiqué le président de la République, ce vendredi 25 novembre, à l'école de gendarmerie de Dijon, après une impressionnante mise en situation de gendarmes intervenant pour des violences conjugales.
On a connu Emmanuel Macron plus prompt à défendre le bilan de son action. En déplacement à Dijon sur le thème des violences intrafamiliales, le président de la République s'est montré véritablement «à l'écoute» de ses interlocuteurs – forces de sécurité intérieure, personnels judiciaires, intervenants sociaux –, prenant beaucoup de notes, intervenant peu.

Comme le disait son entourage, «on peut mieux faire» concernant la lutte contre les violences faites aux femmes. Une forme d'humilité due à la pression des associations d'accompagnement des victimes et des associations féministes notamment qui revendiquent une augmentation des budgets consacrés à ce véritable sujet de société.


Parmi l'ensemble des violences dont les femmes peuvent être victimes, le déplacement présidentiel s'est concentré, ce vendredi 25 novembre 2022, sur les violences conjugales à travers une séquence à l'école de gendarmerie de Dijon portant sur la formation des gendarmes et l'implication des intervenants sociaux ainsi qu'une séquence à la cité judiciaire de Dijon permettant d'écouter des victimes et d'entendre la perception des magistrats et des avocats.

Le président de la République est arrivé à l'école de gendarmerie de Dijon avec 45 minutes de retard sur l'horaire prévu. Du fait d'un épais brouillard, au lieu d'atterrir sur la piste voisine de Dijon-Longvic, l'avion présidentiel a été dérouté vers Dole-Tavaux. Le trajet se terminant en voiture. Ironie de l'histoire, le soleil avait fait son retour quand Emmanuel Macron est finalement descendu de la 5008 du cortège.

Une délégation transpartisane


Le président de la République était accompagné d'Isabelle Rome, ministre déléguée chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l'Égalité des chances, ainsi que d’Éric Dupond-Moretti, ministre de la Justice. Celui-ci n'est resté qu'une vingtaine de minutes pour marquer symboliquement sa présence, rejoignant ensuite les débats parlementaires à Paris.

La délégation a été accueillie par le préfet de la Côte-d'Or Franck Robine, le général Pascal Hurtault, commandant l'école de gendarmerie de Dijon, et le général Édouard Hubscher, commandant la région de gendarmerie Bourgogne-Franche-Comté, puis reçue par les parlementaires côte-d'oriens Benoît Bordat (FP), Fadila Khattabi (RE), François Patriat (RE), Didier Paris (RE), ainsi que des élus locaux dont Marie-Guite Dufay (PS), présidente de Région, François Sauvadet (LCOP), président du Département, Jean-Claude Girard (sans étiquette), maire d'Ouges, et Nathalie Koenders (PS), première adjointe au maire Dijon. François Resbamen (PS, FP), qui participait à un événement à la mairie, est arrivé peu après.

Mise en situation de gendarmes intervenant pour des violences conjugales


En entrant dans la salle de l'école de gendarmerie, le président de la République découvre un canapé, une penderie, une table, un micro-ondes... L'intérieur d'un foyer familial est reconstitué.

Là, sur la base d'un scénario conçu par des gendarmes formateurs, est prévue la mise en situation des actions consécutives de gendarmes d'une brigade et d'un peloton d'intervention et de surveillance au domicile d'un couple. L'homme violent et la femme victime sont joués par des élèves gendarmes.

Au travers de cette simulation «au plus proche de la réalité», l'objet est d'analyser la manière dont la victime et le mis en cause sont respectivement pris en charge.

Si la scène se déroule devant une cinquantaine de personnes dont une vingtaine de journalistes, l’Élysée n'a pas autorisé à photographier ou filmer durant l'impressionnante scène.

Exfiltrer l'homme violent pour entendre la femme victime


Pour lancer la mise en situation, la victime envoie un SMS signalant des violences physiques de la part de son conjoint. Le centre opérationnel de la gendarmerie (COG) envoie une patrouille sur place et alerte le peloton d'intervention et de surveillance de la gendarmerie (PSIG). Le COG vérifie ensuite la détention d'armes et les antécédents des personnes impliquées parmi ses fichiers.

À l'arrivée des trois gendarmes, l'homme s'emporte, casse des objets et insulte son épouse. Les gendarmes sécurisent la situation en menottant l'homme et prennent en charge la femme pour la calmer. Contacté, l'officier de police judiciaire décide d'un placement en garde à vue devant le délit constaté puis informe le parquet.

L'enquête commence avec une documentation au domicile et un entretien avec la femme pour envisager le contexte familial, notamment l'implication des enfants, et expliquer la procédure dont l'éventuel dépôt de plainte. Une grille d'évaluation du danger est remise.

«Point d'entrée unique des personnes vulnérables», la Maison de protection des familles est présentée ( lire notre article) ainsi que les structures utiles à la victime qui est ensuite conduite hors champ à l'unité médico-judiciaire pour évaluer le nombre de jours d'interruption temporaire de travail (ITT).

Vers une future prise de plainte au domicile


Le président de la République et la ministre chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes rejoignent alors les gendarmes, élèves et formateurs, pour un retour d'expérience destiné à tirer les enseignements de la séquence et trouver des axes d'amélioration.

Directeur général de la Gendarmerie, le général d'armée Christian Rodriguez signale la pertinence de prendre la plainte de la victime au domicile, un dispositif étudié dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur (LOPMI), en cours d'examen par les parlementaires. «C'est vraiment le aller-vers», appuie-t-il.

«Aider les victimes à se reconstituer»


Suit alors une table-robe avec les associations d'aide aux victimes et les intervenants sociaux.

Directrice de l'antenne départementale de l'association Solidarités Femmes qui porte le numéro d'écoute des femmes victimes de violences 3919 (gratuit, anonyme, 24 heures sur 24, tous les jours), Anne Joseleau présente la mission d'accompagnement des victimes après une intervention de police.

«On a une écoute active, non-jugeante pour évaluer la dangerosité de la situation, des besoins ; on oriente si besoin. (…) Un des objectifs est vraiment d'aider les victimes à se reconstituer, à être autonomes, libres, éclairées et donc de pouvoir prendre des décisions en connaissance de cause», explique-t-elle.

France Victime 21 apporte une aide juridique aux victimes avec une équipe de juristes, psychologues et travailleur social. Comme l'explique la directrice Orane Duchatel, la proportion de victimes de violences intrafamiliales «ne cessent d'augmenter avec les années».

Dès le lendemain d'une intervention des gendarmes suivie d'une implication du parquet, l'association est prévenue de la situation par le procureur et prend alors contact avec la victime pour recueillir sa parole. Un rapport détaillé pourra éclairer les magistrats sur la protection dont a besoin la victime, allant du bracelet anti-rapprochement à l'ordonnance d'éviction du domicile.

Salariée du conseil départemental sur un poste financé par le Département et le CCAS de Dijon, une intervenante sociale est en résidence à la gendarmerie en étant spécialisée sur le traitement des violences intrafamiliales.

«Nos postes sont des interventions d'urgence, on arrive toujours sur un moment extrêmement complexe en fonction de la victime et de l'auteur présumés. On est là pour sécuriser [la victime] au sens général pour qu'elle puisse déposer sur ce qui s'est passé», analyse-t-elle.

Son homologue du commissariat de police explique avoir un bureau placé stratégiquement derrière l'accueil pour pouvoir recevoir les personnes afin d'expliquer en toute confidentialité les raisons des premières démarches, souvent des «questions intrusives» : «la plainte pour violences conjugales peut prendre deux heures». Il n'est plus nécessaire de présenter un certificat médical.

Le Centre d'information sur les droits des femmes et des familles explique être «souvent le premier interlocuteur» car «n'ayant pas une connotation violence».

«Les victimes, lorsqu'elles prennent rendez-vous, bien souvent taisent les violences dont elles sont victimes et ne l'évoquent pas toujours au premier entretien. Des fois, elles ne réalisent même pas qu'elles sont victimes, c'est l'entretien avec le ou la juriste de verbaliser ce qui se passe et nous on va dire le droit», explique la présidente.

Un gendarme présente la Maison de protection des familles animée par cinq militaires et un intervenant social. «On arrive à détecter les signaux les plus faibles», souligne-t-il, «permettre à la victime de libérer sa parole nécessite de mettre en œuvre de l'empathie». Les gendarmes qui recueillent les plaintes en Côte-d'Or ayant été formés à cette problématique.

Le représentant de la médecine légale présente les unités médico-judiciaires où peuvent être examinées les victimes. Une démarche qui peut se faire à toute heure pour éventuellement être réalisée durant la garde à vue du mis en cause. «On est spécialiste de la lésion. On va examiner les personnes, complètement, dans le respect de leur intimité. (…) On essaie de retranscrire la donnée médicale en une donnée utile pour la justice», précise-t-il.

La mise en place d'une Maison des femmes à Dijon est en cours de réflexion avec l'agence régionale de santé de Bourgogne-Franche-Comté, le conseil départemental de la Côte-d'Or et la Ville de Dijon pour recevoir des victimes et recueillir plus rapidement des informations médicales. Actuellement, la démarche se fait en deux temps après réquisition du parquet.

Pour une de ses rares interventions, le président de la République rappelle que les médecins des urgences hospitalières sont désormais autorisés à faire des constations de violences exploitables par la justice.

Un représentant de l'Association dijonnaise d'entraide des familles ouvrières (ADEFO) expose l'intérêt d'un dispositif animé par cinq psychologues pour intervenir auprès des auteurs de violences conjugales : sensibilisation aux conséquences des actes commis, stage de responsabilisation et groupe de paroles à visée thérapeutique.

La demande de créer «des endroits dédiés aux enfants victimes de violences intrafamiliales»


Interrogés sur les évolutions possibles pour «permettre d'être plus efficace», Solidarité Femmes 21 fait part de son souhait de voir apparaître des «juridictions spécialisées» avec des juges des affaires familiales et des juges pour enfant «vraiment formés sur ces questions-là» ainsi que des «endroits dédiés aux enfants victimes de violences intrafamiliales».

L'ADEFO insiste sur la formation des acteurs «de premier rang» pour un meilleur «repérage» des auteurs.

«Il y a eu un immense travail de formation de nos forces de sécurité intérieure»


En fin de table-ronde, le président de la République en vient implicitement à défendre son bilan : «quand on voit d'où vient et où on est aujourd'hui, il y a quand même eu beaucoup de progrès collectif».

«Il y a eu un immense travail de formation de nos forces de sécurité intérieure, on a amélioré le 3919 (…) et un travail avec toutes les associations qui mènent depuis tant d'années ce combat», poursuit Emmanuel Macron.

«Il ne faut pas relâcher l'effort. (…) Je suis frappé de voir que, collectivement, pendant l'épidémie, on a encore améliorer les choses en développant le 114, les points d'accès dans les tiers lieux. (…) Il faut que l'on améliore la prévention, dès le plus jeune âge et tout au long de la vie, que l'on continue d'expliquer à des victimes que ce n'est pas elles le problème et continuer d'expliquer à celles et ceux qui peuvent aller vers des comportements violents, alerter très tôt, sensibiliser et permettre d'éviter que le pire n'advienne», développe-t-il.

«Mieux former tout le monde»


Emmanuel Macron fait part de ses réserves sur la «spécialisation» des acteurs, notamment judiciaires : «il faut mieux former toutes les personnes qui sont exposées à ce sujet» donc «mieux former tout le monde» avec «une équipe de qualité» venant en «référence» de leurs collègues de façon à constituer un «écosystème» pour lutter contre les violences intrafamiliales.

À l'issue de cette table-ronde, le président de la République annonce que la Côte-d'Or participerait à l'expérimentation du «pack nouveau départ» débutant à partir de janvier 2023 ( lire notre article).

Selon Isabelle Rome, il s'agira d'un guichet unique pour permettre aux victimes de violences conjugales de bénéficier d'allocation, de garde des enfants, d'insertion professionnelle, de formation, d'hébergement d'urgence ou encore d'accompagnement psychologique.

Ayant une nouvelle fois explosé l'horaire, à plus de 14 heures contre une prévision initiale à 13 heures, le président de la République gagne alors une nouvelle salle de l'école de la gendarmerie pour un temps hors presse de déjeuner et d'échanges avec les élus locaux.

Jean-Christophe Tardivon
Photographies
Jean-Christophe Tardivon
sauf mention contraire


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Le contexte du déplacement d'Emmanuel Macron sur le sujet des violences faites aux femmes











Photographie Arthur Deballon






















Photographie Arthur Deballon

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