La réunion sur la tranquillité publique ce mardi 5 juillet à Chenôve a permis aux représentants de la justice et de la police nationale de contextualiser les situations auxquelles les habitants sont confrontés, notamment la présence permanente de guetteurs mineurs exploités par les dealers.
Lors de la réunion sur la tranquillité publique organisé par la Ville de Chenôve, les représentants de la justice et de la police se sont exprimés à la suite du maire Thierry Falconnet (PS).
Olivier Caracotch, procureur de la République de Dijon, et Jean-Claude Dunand, directeur départemental de la sécurité publique de la Côte-d'Or, se sont attachés à mettre un nom sur les phénomène qui gangrènent les quartiers populaires avant de les mettre en perspective par quelques statistiques.
La lutte contre le trafic de drogue, une priorité de la justice
En prenant la parole, le procureur de la République, souligne l'importance de développer la dimension «partenariale» de l'action entre la police, la justice et la municipalité.
Olivier Caracotch rappelle alors les priorités de politique pénale voulues par le ministère de la Justice : lutte contre les violences au sein du couple, lutte contre le trafic de stupéfiants, lutte contre les atteintes à l'environnement et meilleure prise en charge des victimes. Dans le contexte de ce mardi soir, il sera surtout question de la délinquance générée par le trafic de drogues.
La durée moyenne des peines de prison augmente
Reprenant un discours régulièrement martelé par le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti, l'intervenant entend battre en brèche les critiques sur la «justice laxiste» ou encore sa lenteur.
Il signale que le nombre de jugements prononcés chaque année a augmenté de 100.000 en 25 ans. Les peines de prison ferme ont bondi de 38%. La durée moyenne d'emprisonnement ferme est passée de 6,8 mois en 2000 à 9,9 mois en 2022.
Le taux de poursuite s'est élevé et, corrélativement, le nombre de classement sans suite a diminué. 16% des jugements des délits sont rendus après un déferrement suivant immédiatement la garde à vue de l'auteur présumé des faits.
En conséquence, la France a battu le 1er juillet son record de détenus datant de mars 2020 avec 72.140 personnes en détention. Cette hausse représente une «exception européenne» : «il n'y a que la France qui peine à trouver des peines alternatives» comme sursi probatoire ou le travail d'intérêt général.
«La justice doit absolument répondre de manière pluridisciplinaire et doit faire preuve d'inventivité, la prison n'est pas forcément la seule réponse qu'elle puisse apporter», déclare le procureur de la République face à une assistance relativement sceptique.
Augmentation de la délinquance des mineurs
Le directeur départemental de la sécurité publique est également venu avec quelques statistiques dans son dossier.
Dans la circonscription de police de Dijon, incluant Chenôve, 80.000 appels sont passés chaque année au 17 et 25.000 sont traités. En dehors des personnels administratifs, 450 policiers travaillent dans la circonscription. En 2021, ils ont traité 185 maintiens de l'ordre. En 2021, l'équivalent de près de 2 millions de produits stupéfiants ont été saisis sur la zone de police (cannabis, herbe, cocaïne, héroïne...).
Le commissariat de Chenôve mobilise 35 policiers. La nuit, six véhicules peuvent patrouiller. En 2021, 163 personnes ont été arrêtées pour des délits dont 55 mineurs. «La délinquance des mineurs passé de 20% à 33% en un an», insiste le policier.
Des guetteurs mineurs et «exploités»
«La police de Dijon ne lâche rien», assure Jean-Claude Dunand en référence notamment à la lutte contre le trafic de stupéfiants car «en sous-main, on a un trafic d'êtres humains : on a de plus en plus de jeunes gens mineurs, étrangers à la commune, déscolarisés, qui servent de guetteurs, qui sont exploités, maltraités et pour lesquels, on essaie bien évidemment, avec la justice de les réorienter».
Par le suite, le policier précise que de nombreux guetteurs ne sont pas des habitants de la commune mais qu'ils sont enrôlés dans d'autres départements pour être installés à Chenôve.
23 policiers blessés en 2021
Le policier insiste sur le fait que «l’appropriation de territoire» en œuvre depuis quelques années débouche aujourd'hui sur «l'appropriation de cage d'escalier».
Alors que les unités de la brigade de surveillance de terrain, de la brigade anti-criminalité ou de la section d'intervention sont mobilisées «tous les jours à Chenôve», 23 policiers ont été blessés en opération sur la circonscription en 2021.
«Il n'y a pas de zone de non-droit»
«Notre présence sur le territoire n'est pas la bienvenue», résume Jean-Claude Dunand. D'où les réactions à des arrestations de trafiquants sous forme de feux de poubelles et de véhicules, voire des violences urbaines amplifiées par des «concours» sur les médias sociaux entre délinquants de différents quartiers.
«Je ne suis pas satisfait parce que je n'arrive pas à régler les problèmes de tranquillité publique», concède le directeur départemental de la sécurité publique en évoquant certaines cages d'escalier qui «posent problème». «Au niveau de la police dijonnaise, il n'y a pas de zone de non-droit», lance-t-il pour conclure un propos très applaudi.
Jean-Christophe Tardivon
Olivier Caracotch, procureur de la République de Dijon
Jean-Claude Dunand, directeur départemental de la sécurité publique de la Côte-d'Or