Celui qui reste président de la Métropole de Dijon et est devenu ministre de l'Aménagement du territoire a défendu sa participation dans «un gouvernement d'urgence nationale», ce vendredi 10 janvier. «Je suis sûr que nos parlementaires y réfléchiront avant de voter une seconde fois la censure», a déclaré le soutien d'Emmanuel Macron.
Jusque là, les vœux de la Ville de Dijon et ceux de la Métropole se confondaient. Devenu ministre de l'Aménagement du territoire et de la Décentralisation (
lire notre article), François Rebsamen (PS, FP) conserve la présidence de la Métropole mais n'est plus maire de Dijon, ayant transmis l'écharpe tricolore à Nathalie Koenders (PS).
La cérémonie de vœux, ce vendredi 10 janvier 2025, au Zénith, a donc été bicéphale. Après un discours de Nathalie Koenders à la tonalité sécuritaire (
lire notre article), François Rebsamen est intervenu pour défendre le gouvernement et rappeler son opposition tant à la droite nationale-populiste qu'à la gauche radicale.
Privilégier la cohésion
«J'ai des choses à vous dire», lance d'emblée François Rebsamen pour prévenir les 3.200 personnes du public, selon les organisateurs, qu'il compte faire passer d'importants messages depuis son nouveau poste au sein d'«un gouvernement d'urgence nationale».
Tout d'abord, le président de la Métropole défend le principe de la cérémonie de vœux que plusieurs collectivités en France ont annulé : «tout ce qui concourt à la cohésion me semble au contraire, par les temps qui courent, à privilégier».
Une ombrière solaire pour les 20 ans du Zénith
Notant qu'en 20 ans, le Zénith de Dijon a accueilli plus de 4,5 millions de spectateurs, François Rebsamen assure que la Métropole «remplit son rôle» en créant de tels équipement.
«Elle l’a fait avec un état esprit gagnant-gagnant avec toutes les communes, avec les intercommunalités, pour les territoires qui nous entourent et pour tous. Notre métropole, - votre métropole -, qui se développe raisonnablement et gagne des habitants raisonnablement, ça n’est pas pour elle-même ni dans une vision repliée ni au détriment des autres qu’elle le fait. C’est dans un état d’esprit que le langage technocratique appelle ''l'alliance des territoires''», développe-t-il.
À partir de mars prochain, le parking du Zénith se couvrira d'ombrières solaires. La fin du chantier étant prévue en septembre. L'électricité produite servira en partie à alimenter le tramway.
«Attractivité et transition écologique ne sont pas contradictoires», glisse-t-0il alors. «Dans notre métropole, (…) nos choix, nos priorités et notre engagement quotidien influencent directement la qualité de vie de nos concitoyens et contribuent, à notre mesure, à tracer une voie vers un avenir plus juste, plus solidaire et plus durable.»
Plaidoyer pour «une Ukraine libre»
«Les élections de juin 2024 ont vu les populistes progresser partout en Europe», commente le social-démocrate, «dans de nombreux pays, les idées de la droite nationaliste et radicale progressent jusque dans les partis de gouvernement». «Ces idées sont portées par la peur, le doute et le repli sur soi, désormais avec l'homme le plus riche du monde, celui qui est à la tête du plus grand réseau social du monde, bras droit du futur président des États-Unis.»
«En 2025, une partie de l’avenir de notre vieux continent se jouera à l’est. La défaite de l'Ukraine ne serait pas seulement la sienne, mais aussi la nôtre, menaçant les fondations mêmes de notre sécurité et de nos valeurs communes. De l’autre côté de l’Atlantique, un président imprévisible et ouvertement impérialiste prendra ses fonctions dans 10 jours. Face à ce double défi, l'Europe ne peut pas se permettre l'inertie. Trois ans après l'invasion, il est plus clair que jamais que la sécurité de l'Europe passe par l'Ukraine. Une Ukraine qui doit être libre, démocratique, et fermement arrimée à notre communauté européenne. C'est notre rempart indispensable contre l'expansionnisme autoritaire qui gagne le monde», ajoute-t-il sous les applaudissements du public.
Les engagements du gouvernement de François Bayrou pour Mayotte
«Dijon est bien petite. Mais sa voix compte, notre voix à toutes et à tous compte et nous devons, justement parce que notre échelle est celle de ''l'humanisme du quotidien'', continuer à dire haut et fort les valeurs universelles auxquelles nous croyons, accueillir la différence, bâtir, lutter contre les injustices, promouvoir la fraternité et la paix, préserver ce qui nous lie, prendre soin de ce qui nous est commun, c’est-à-dire en particulier du service public», enchaîne le président de la Métropole.
À ce sujet, François Rebsamen rappelle que les deux collectivités ont voté des aides totalisant 100.000 euros pour la population de Mayotte, département français dévasté par le cyclone tropical Chido, le 14 décembre dernier.
«Le gouvernement a pris des engagements, avec la création d’un établissement public chargé de mener à bien la refondation de Mayotte dans un délai de 2 ans. Ces engagements seront tenus et les moyens alloués permettront, avec la force de la volonté, la reconstruction de ces îles aujourd’hui dévastées. La France doit cela à l’un de ses départements d’outre-mer» , glisse le nouveau ministre de François Bayrou.
«Quand on veut le compromis, on évite de poser des ultimatums»
Sur le sujet des «turbulences politiques nationales» suite à la dissolution de l'Assemblée nationale, François Rebsamen se félicite du mea culpa d'Emmanuel Macron, prononcé avec «une lucidité de bon aloi» lors de son allocution du 31 décembre dernier.
«Est-ce le refus du gouvernement de faire a priori consensus sur le budget qui a pour conséquence de durcir les oppositions ou est-ce le refus a priori des oppositions qui enferme le gouvernement dans la conviction qu’aucun consensus ne peut être ?», fait mine de demander le ministre. «Cette situation où chacun se rejette les responsabilités aboutit à une sorte de jeu de dupes auquel les Français malheureusement se sont habitués, malheureusement, avec un dangereux détachement qui entraîne un sentiment grandissant de déficit démocratique.»
«Quand on veut le compromis, on évite de poser des ultimatums», cingle le social-démocrate, une référence implicite à l'intervention de Jean-Luc Mélenchon (LFI) au soir du second tour des législatives anticipées. «Pouvons-nous encore en France aujourd’hui envisager tout compromis dès lors qu’une main tendue à l’adversaire politique est qualifiée de trahison ? Et pourquoi ce qui est perçu au niveau local comme une force, la capacité à rassembler, ne serait-elle pas possible au niveau national ? Faussement perçue par la meute des suiveurs comme un aveu de faiblesse, la concession au rassemblement est en réalité une force. Alors, il faut que nous agissions tous pour pousser nos responsables politiques à passer ce compromis indispensable pour la France et notre démocratie.»
Le ministre demande que la contribution des collectivités aux redressements des comptes publics ne dépasse pas «10 % de l’effort total»
Alternant sujets nationaux et locaux, François Rebsamen adresse une pensée «aux salariés qui sont la richesse des entreprises» et souligne «le dialogue social indispensable avec les organisations syndicales qui veulent vraiment le dialogue social».
Dans la métropole dijonnaise, le contexte économique est «très favorable» avec un taux de chômage de 6,5% et la création de plus de 5.100 emplois nouveaux en quatre ans.
«Cette vitalité repose largement sur les projets que nous portons, sur les investissements que nous votons, et sur la qualité de vie que nous garantissons dans une métropole à taille humaine, très attractive», revendique le président de la collectivité. «Mais, nous nous ne sommes jamais à l’abri, notamment en ce qui concerne les entreprises dont les centres de décision sont éloignés de Dijon.»
«L’instabilité politique nationale et l’absence de loi de finances pèsent sur les décisions à prendre pour élaborer le budget 2025 de la Métropole», insiste l'orateur.
Alors que les collectivités représentent environ 8% de la dette nationale, le nouveau ministre demande que la contribution qui leur sera demandée ne dépasse pas «10 % de l’effort total» pour le «redressement des comptes publics».
La «troisième ligne» de transports en commun en site propre dans la métropole dijonnaise, enjeu des municipales de 2026
Sur le plan local, le président de la Métropole espère de pouvoir obtenir la possibilité d'augmenter le versement mobilités, taxe assise sur la masse salariale des entreprises, afin de financer «une nouvelle ligne de transport en commune en site propre» qui pourrait être réalisée d'ici 2032 (
lire notre article).
Les études seront conduites en 2025. «Il faudrait que nous soyons prêts pour que les élus que vous désignerez en 2026 puissent lancer ces travaux», glisse-t-il. Cela annonce un enjeu de la campagne des prochaines élections municipales d'où découleront la composition de l'assemblée métropolitaine.
«Nos parlementaires y réfléchiront avant de voter une seconde fois la censure»
«Il est impératif que la France se dote d’un budget dans les meilleurs délais», plaide le membre du gouvernement de François Bayrou. «Ce budget devra offrir une trajectoire de redressement réaliste des comptes public. Il devra également garantir les moyens nécessaires pour soutenir le pouvoir d’achat et la solidarité, tout en accompagnant la dynamique économique.»
«J’ai, pour ma part, grande confiance en notre ministre de l’Économie, Éric Lombard, avec lequel j’ai échangé mardi, et sa ministre du Budget, Amélie de Montchalin», ajoute-t-il.
«Je suis sûr que nos parlementaires y réfléchiront avant de voter une seconde fois la censure», espère-t-il devant trois députés de la Cöte-d'Or ayant contribué à la chute du gouvernement de Michel Barnier. «Je ne doute pas qu’ils en mesurent le risque, à savoir celui de faire sombrer tout à fait notre pays dans une crise de régime, avec des conséquences dramatiques pour nos concitoyens.»
«Notre pays crève de certitudes et manque de convictions»
«Notre pays a besoin d’apaisement», insiste François Rebsamen. «Je refuse de croire que nous soyons condamnés à l’immobilisme, paralysés par une forme de sectarisme qui habitent certains au cœur». «La pluralité d’opinions est une richesse, une preuve de vitalité démocratique. Les convictions, ça n’est pas la même chose que les certitudes. Notre pays crève de certitudes et manque de convictions. Les convictions, ça se partage, ça vient rencontrer l’autre, ça se confronte, ça évolue. Les certitudes, c’est mortifère. Et la politique, dans son essence, c'est l’art du compromis, guidé par l’intérêt général.»
François Rebsamen «refuse que la montée de l’extrême-droite devienne une réalité»
«Je suis navré, profondément navré, par ceux dont le savoir-faire principal consiste à tracer des lignes rouges, c’est-à-dire mettre l’impossible avec une insistance qui en dit long parfois sur leur unique souhait de le voir advenir», lance le social-démocrate, en référence cette fois aux «lignes rouges» maintes fois dessinées par Marine Le Pen (RN) dans ses échanges avec Michel Barnier quand il était Premier ministre.
Considérant le «défaitisme» comme «un des grands travers de notre époque», établissant un parallèle avec «la faillite intellectuelle et morale des élites dans la défaite [de 1940]», François Rebsamen «refuse de toutes [ses] la montée de l’extrême-droite et que l'extrême-droite devienne une réalité». Un propos très applaudi.
Le social-démocrate fait de la République le cadre pour éviter ce «défaitisme» : «la République, c'est le royaume possible de l'universel sur Terre, c'est un idéal, une idée qui grandit, un cadre pour permettre à chaque citoyen de s’émanciper et d’assurer nos libertés. Finalement je crois simplement que c’est un outil de combat pour les biens communs, un instrument pour refaire la société et réconcilier. C’est peut-être ça, très simplement, la République !»
«Nos habitants ne vivent pas cloisonnés»
«C’est en tant qu’homme de gauche qui n’a plus rien à prouver ni gagner, que j’ai travaillé pendant plus de 20 ans comme maire de Dijon, et que je continue à le faire aux côtés des 23 maires de nos 23 communes», assure le président de la collectivité. «Dijon Métropole, c’est une mosaïque de contrastes : une métropole d’équilibre, à la fois urbaine et rurale, où cohabitent des réalités très différentes et complémentaires, de Flavignerot, 217 habitants, à Dijon, aujourd’hui 165 000 habitants. (...) Nous formons une communauté de destin que nous nous évertuons à construire et consolider.»
«Nos habitants ne vivent pas cloisonnés», commente-t-il, «les Magnytillois font leurs courses à Chevigny, travaillent à Dijon et inscrivent parfois leurs enfants au club de foot de Saint-Apollinaire». «Notre quotidien est un réseau d’interconnexions qui nous donne des raisons d’avancer ensemble.»
Fondation de l'Université Bourgogne Europe
«Dijon Métropole s’affirme comme un modèle européen d’innovation et de durabilité», revendique François Rebsamen, en référence au plan métropolitain prenant en compte à la fois le changement climatique et l'érosion de la biodiversité.
Dans le champ de l'enseignement supérieur et de la recherche, le président de la Métropole de Dijon se félicite de la transformation de l'université de Bourgogne en Université Bourgogne Europe (
lire le communiqué), voyant là : «un symbole, celui d’un territoire qui tient le savoir, la science et le progrès en haute considération».
Concernant la vie étudiante, si la collectivité a financé une étude envisageant l'implantation d'un nouveau restaurant universitaire à Dijon, François Rebsamen rappelle que sa construction relève d'«une prérogative de l’État».
«La transition écologique doit contribuer à réduire les inégalités et pas à les augmenter»
En matière d'économie, l'orateur prévient qu'«à la fin de la décennie, la France risque de perdre nombre ses emplois industriels faute de vocations pour ces métiers d’excellence». «Ce constat soulève des enjeux cruciaux pour notre souveraineté nationale, notre capacité à innover et notre compétitivité. Les PME de notre territoire sont des acteurs essentiels de ce processus, et il est de notre devoir de soutenir cette dynamique, en particulier pour la jeunesse qui s’engage dans ces filières d’avenir.»
Alors que les entreprises Urgo, Protéor, Crossject font de la métropole «un grand territoire de santé, le président de la Métropole salue Adhex Pharma qui a décroché un financement issu du plan de réindustrialisation France 2030 concernant les médicaments dit «essentiels» (
lire notre article).
Cette nouvelle concernant le secteur de la santé amène François Rebsamen a avoir «une pensée particulière pour celles et ceux qui se battent, au sein de nos hôpitaux pour notre santé et notre bien-être», faisant applaudir les soignants comme Nathalie Koenders a fait applaudir les policiers.
Le président de la collectivité conclut en partageant «l’ambition d’une métropole à l’avant-garde qui affirme haut et fort que la transition écologique doit contribuer à réduire les inégalités et pas à les augmenter, une
métropole de la réconciliation, une métropole qui s’attache, sans méconnaître les obstacles et les difficultés, à progresser constamment au bénéfice de tous» avant de souhaiter finalement «une bonne année 2025».
Jean-Christophe Tardivon