«Nous avons opté pour une densification heureuse afin d'éviter de consommer des terres agricoles», a argumenté l'adjoint du maire François Rebsamen, ce jeudi 6 juin, avant de demander aux manifestants et pétitionnaires : «où construit-on ?»
«Faire Venise II reste une démarche compliquée et complexe.» Le projet immobilier porté par le promoteur Édouard Denis au bord du Suzon fait l'objet d'une contestation de la part d'opposants à la politique urbanistique de la majorité du maire de Dijon François Rebsamen (PS, FP) notamment de militants anticapitalistes et écologistes.
Le 28 mai dernier, le collectif Sauvons les berges du Suzon a obtenu du tribunal administratif de Dijon l'annulation de la vente du terrain par la commune au promoteur au motif que la délibération passée en conseil municipal du 27 juin 2022 était illégale.
Le collectif met en avant l'argument de «la cession d'un élément du patrimoine public à un prix inférieur à sa valeur» sans contrepartie de la part du promoteur comme l'éventuelle participation à des travaux d'aménagement.
La Ville de Dijon pourrait difficilement échapper à un nouveau vote
La Ville de Dijon a fait appel de la décision de la justice administrative mais, malgré tout, pourrait bien avoir à repasser cette vente en conseil municipal dans les prochains mois.
Dans ce contexte, ce jeudi 6 juin 2024, en marge de l'inauguration d'une résidence sociale d'Habellis (
lire notre article), réalisée par le groupe Édouard Denis, Pierre Pribetich, adjoint au maire de Dijon délégué notamment à l'urbanisme, s'est exprimé sur la contestation des projets immobiliers.
«Nous avons opté pour une densification heureuse afin d'éviter de consommer des terres agricoles»
«La construction de logements est un sujet qui donne lieu à manifestations, à pétitions», a-t-il constaté, «il serait bon de demander à ceux qui font passer des communiqués comment ils organisent le besoin de logements sur la métropole qui est, simplement pour renouveler la métropole, est à hauteur 800-900 logements par an». «C'est un combat et, bien souvent, de personnes qui sont nanties qui habitent, bien souvent, dans des logements individuels à proximité du lieu où va s'implanter la future opération et qui viennent à leurs heures perdues, à leurs loisirs manifester contre cette ''aberration'' qu'est la construction de logements.»
«Même en 2024, il reste en France 4,2 millions de personnes souffrant du mal logement, c'est un nombre record de demandes de logements à loyer modéré ; 2,6 millions de personnes à la rue dont on ne peut pas légitiment dire qu'elles exagèrent», a argumenté le socialiste. «L'accès pour tous [au logement] reste plus qu'une priorité, c'est un devoir que nous devons à notre société.»
«Nous essayons vraiment de mettre en œuvre toute cette politique du logement et de l'habitat», a-t-il assuré à propos de l'action publique de la Ville de Dijon et de la Métropole de Dijon. «Certains diront que leurs revendications sont surtout liées à des préoccupations environnementales, certes, mais à Dijon, nous avons opté pour une densification heureuse afin d'éviter de consommer des terres agricoles.»
La Ville de Dijon respecte la loi SRU
«Nous avons construit plus de 18.000 logements en 20 ans», a-t-il rappelé au regard des permis de construire délivrés par la commune, «cela représente en tout une consommation de 4 terrains de football, ça fait à peu près 4 hectares et le plateau de La Cras, qui était voué à l'urbanisation par Robert Poujade, a été préservée des projets immobiliers et transformé en l'espace agricole». «En 2001, lorsque François Rebsamen a été élu maire, il y avait seulement 11% de logements à loyer modéré sur toute la ville de Dijon, nous avons, après plus de 22 ans de combat, réussis enfin à atteindre 20% exigé par la loi SRU [NDLR : Loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains]. Ça fait 22 ans que nous luttons pour essayer de rattraper ce retard, en essayant de le faire le plus subtilement possible, c'est-à-dire en évitant des concentrations, en faisant en sorte qu'il y ait répartitions des différentes typologies.»
En 2023, selon la municipalité, le taux de logements sociaux à Dijon était de 21,29%. Alors que 70% de la population française sont éligibles à un logement à loyer modéré, la demande a augmenté de plus de 10% ces 2 dernières années. Dijon recense 6.600 dossiers de première demande d'accès au logement social et atteint 11.000 demandes en comptant les souhaits de déménagement à l'intérieur du parc social.
«C'est une situation alarmante pour la stabilité sociale de nos villes»
«La crise immobilière que nous vivons touche notre pays depuis plus de 9 ans et a considérablement accéléré la précarisation de nombreux concitoyens», a relevé Pierre Pribetich.
En avril 2024, sur un an glissant la chute du nombre de permis de construire autorisés a atteint 20%, ce qui a entraîné des plans sociaux chez de grands promoteurs immobilier puis des faillites parmi des acteurs de la construction. La Fédération française du bâtiment craint la suppression de 150.000 emplois d'ici la mi-2025.
«C'est une situation alarmante, non seulement en termes immobiliers, en termes d'emplois mais aussi pour la stabilité sociale de nos villes et métropoles», a déploré le socialiste.
«Ne pas s'engager dans une vraie vraie politique volontariste de construction de logement ou s'y opposer revient à organiser méthodiquement l'éviction des plus démunis en dehors des villes et des métropoles. Les riches à l'intérieur, les pauvres à l'extérieur», a-t-il analysé. «Cela condamne une partie de la population active à habiter loin de son lieu de travail et ce n'est certainement pas ce que nous souhaitons ici, collectivement. Le programme pour lequel les Dijonnais nous ont élus en 2020 repose notamment sur le développement d'une ville écologique, solidaire, accueillante à taille humaine. Notre engagement vise à permettre à chacun, quel que soit son niveau de revenu, de vivre par des conditions dignes et satisfaisantes tant sur le plan professionnel que personnel.»
«La construction de logements est donc essentielle, impérative avec d'autant plus d'importance face au vieillissement de la population, face à l'augmentation du nombre de demandes de logements à loyer modéré mais aussi face à l'augmentation du nombre d'étudiants à loger», a argumenté Pierre Pribetich.
Un débat pour 2026 : «où et comment construit-on ?»
Selon l'adjoint au maire de Dijon, «l'urbanisme est d'une science complexe qui nécessite beaucoup d'humidité de modestie et lorsque je lis des communiqués presse qui sont parus, (…) j'attends avec gourmandise les solutions qui pourraient être proposées ; (…) il faut dire où il faut construire 600 logements tous les ans sur Dijon.»
«Respecter la loi, c'est construire du logement dans une ville qui doit être accessible et pas simplement réservée à une catégorie qui conduirait à la gentrification de la société, c'est-à-dire les riches à l'intérieur qui se déplaceraient en mobilité douce et les pauvres à l'extérieur qui auraient une voiture diesel et qui seraient obligés de se lever une heure avant une personne qui habiterait les lieux», a-t-il envisagé.
«Le débat que je porte va se poser en 2026», a anticipé Pierre Pribetich en référence aux prochaines élections municipales, «où et comment construit-on ?»
Le groupe Édouard Denis envisage d'«apporter de bons compléments de réponse» au tribunal administratif
«On est porteur de ce projet, on croit en ce projet», a assuré Damien Clerc, directeur régional d’Édouard Denis, interrogé par
Infos Dijon, «on a rappelé le fait de consolider sur la ville et, typiquement, cet emplacement-là, il est intra-métropole». «Il vaut mieux construire-là pour les déplacements urbains, pour les gens qui vont habiter, avoir au sein de cette opération une mixité de produits plutôt que d'aller la construire aux grands extérieurs et défavoriser les flux.»
Dans ce contexte, le groupe Édouard Denis envisage d'«apporter de bons compléments de réponse» au tribunal administratif.
Propos recueillis par
Jean-Christophe Tardivon