Adaptation du logement, aides et soins à domicile... la nouvelle ministre de l'autonomie s'est penchée sur des situations concrètes, ce vendredi 23 février, à Dijon, en suivant une infirmière et en rencontrant deux dames âgées. «Les Français veulent rester le plus longtemps possible chez eux», a-t-elle analysé.
Lors du changement de gouvernement, effectué en deux temps en ce début d'année, la Côte-d'Orienne Fadila Khattabi a été reconduite et a même vu son périmètre d'intervention être étendu, le 8 février dernier.
Déjà ministre déléguée chargée des Personnes handicapées, elle s'occupe désormais des Personnes âgées sous la tutelle de Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités.
Déplacement à Dijon sur le thème de l'aide à domicile
Après avoir rencontré des acteurs institutionnels du secteur de l'autonomie, la ministre a choisi d'effectuer des déplacements pour rencontrer des professionnels le temps d'une séquence de travail et pour échanger avec des bénéficiaires.
Le 21 février dernier, dans la Sarthe, elle a suivi une factrice livrant des repas dans le cadre du dispositif «service senior» de La Poste. Ce vendredi 23 février 2024, Fadila Khattabi s'est rendue à Dijon pour accompagner une infirmière coordonnatrice de Vyv Domicile et rencontrer deux dames bénéficiant d'aides à domicile.
«On doit avoir un dialogue constructif avec les Départements»
La ministre reconduite se félicite du nouveau périmètre, considéré comme «cohérent» : «cela a été salué par tous les acteurs qui interviennent sur le champ du handicap comme sur le champ des personnes âgées parce que ce sont des sujets similaires. L'accessibilité, l'attractivité des métiers, les personnels du soin ou du médico-social sont les mêmes, les interlocuteurs que sont les présidentes et présidents de conseils départementaux. Ils ont aussi en charge les personnes âgées et les personnes handicapées. Par mon intermédiaire, ils ont un interlocuteur unique. C'est aussi important pour mener des politiques publiques efficientes et de qualité».
«On doit aussi avoir un dialogue constructif avec les Départements»,
poursuit Fadila Khattabi, «l’État prend sa part de responsabilité, nous
devons avoir un dialogue de gestion avec les Départements. (…) Clarifier
la gouvernance s'impose aujourd'hui».
Des mesures pour l'aide à domicile
Les métiers de l'aide à domicile sont «indispensables», selon Fadila
Khattabi qui anticipe «un choc démographique» avec le vieillissement de
la population française. «Nous allons avoir de plus en plus de seniors
dépendants, en perte d'autonomie, qu'il va falloir accompagner»,
déclare-t-elle. D'ici 2050, on estime que 4 millions de personnes
vivants en France auront besoin d'un accompagnement.
La ministre assure que des mesures ont été prises pour favoriser l'attractivité des métiers avec une revalorisation salariale induite par un «tarif plancher» à 23,50 euros pour une heure de service à domicile en 2024 (+2,2% par rapport à 2023, un tarif qui évoluera au gré de l'inflation.
Par un décret du 30 décembre 2023, le gouvernement a instauré mensuellement «neuf heures de convivialité» rémunérées pour développer «le lien social» et prévenir la perte d'autonomie des bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA). «Quand on est une personne âgée, on a besoin d'échanger, de présence humaine», insiste Fadila Khattabi.
Autre mesure dans les tuyaux : «trois heures qualité» faite de «projets innovants» allant au-delà de ce qui existe aujourd'hui comme quand une aide à domicile effectue les commissions d'une personne âgée dépendante. «On est en train de travailler avec le secteur», indique la nouvelle promue.
Des personnes sans papiers souhaitent travailler comme aide à domicile
«Ce sont des métiers de l'humain – je fais confiance à la jeunesse qui doute mais a besoin aussi de donner du sens à ce qu'elle fait –, ce sont des métiers très intéressants», vante la ministre.
«Sur le projet de loi immigration, j'étais favorable à la régularisation des personnes irrégulières sur notre territoire – il y a beaucoup de dames qui me contactent, qui n'ont pas de papiers, et qui souhaitent justement travailler chez ces personnes», prend soin d'indiquer celle qui a soutenu Emmanuel Macron dès 2016 après avoir été membre du Parti socialiste.
Vyv3 Bourgogne se mobilise pour «prendre soin de chacun»
Anciennement Mutualité française bourguignonne, Vyv3 Bourgogne est membre du groupe mutualiste Vyv. «Nous sommes un acteur de l'économie sociale et solidaire non lucratif», souligne Lucie Gras, présidente de Vyv3 Bourgogne, «nous n'avons pas d'actionnaire à rémunérer». «Nous avons une raison d'être : se mobiliser chaque jour au cœur des territoires pour prendre soin de chacun, (…) notamment les plus vulnérables.»
En 2022, Vyv3 Bourgogne a réalisé un chiffre d'affaire de 207 millions d'euros. Au service de 79.000 usagers, la structure emploie 4.800 salariés dont quelques 500 personnels issus de la reprise, en octobre 2023, des activités de l'association Fedosad.
Atôme devient Vyv Domicile
Sous la marque Vyv Domicile, anciennement Atôme, Vyv3 Bourgogne déploie des services de proximité «dans une logique de guichet unique» dans la Côte-d’Or, la Nièvre et l’Yonne : service de soins infirmiers à domicile (SSIAD), service d’aide à domicile (SAAD), service polyvalent d’aide et de soins à domicile (SPASAD) et équipes mobiles spécialisées Alzheimer (ESA). Chaque année, cela représente un million d'heures d'intervention à domicile financées par l'allocation personnalisée d'autonomie, dont les deux tiers en Côte-d'Or.
«L'idée est de répondre aux besoins de la population à tous les moments de la vie», insiste Lionel Meunier, directeur général de Vyv3 Bourgogne, «en fonction des aléas de santé». «On commence par évaluer les besoins pour avoir un projet de vie. (…) On travaille dans un esprit d'autodétermination.»
«Les droits des personnes doivent être respectés»
«Personne handicapée ou personne âgée, c'est important : les droits des personnes doivent être respectés», réagit Fadila Khattabi.
Un propos approuvé par Emmanuelle Coint (LR), vice-présidente du conseil départemental de la Côte-d'Or, Françoise Tenenbaum (PS), conseillère municipale de Dijon déléguée au handicap, Amelle Ghayou, secrétaire générale adjointe de la préfecture de la Côte-d'Or, et Adeline Guibelin, déléguée territoriale en Côte-d'Or de l'agence régionale de santé Bourgogne-Franche-Comté.
Les bénéficiaires plébiscitent l'aide à domicile
La présentation de la structure faite, la ministre embarque avec Jihane Chourak, infirmière du service de soins infirmiers à domicile, coordonnant les actions au centre-ville de Dijon, pour rencontrer successivement deux Dijonnaises recourant aux services de Vyv Domicile, Michèle, 96 ans, et Rosette, 76 ans.
Dans les deux situations, les interventions des infirmières, aides-soignantes et aides à domicile sont plébiscitées. «Je suis contente que vous veniez me voir», réagit Rosette. «Il faudrait qu'il y ait plus de personnel», plaide néanmoins Michèle.
«Les Français veulent rester le plus longtemps possible chez eux ou alors dans des résidences autonomie comme à la maison, pour ce faire, il faut effectivement du personnel», reconnaît Fadila Khattabi, «c'est ce qu'on appelle le virage domiciliaire». «Pour réussir ce virage domiciliaire, 25.000 places de soins à domicile supplémentaires seront ouvertes d'ici 2030. (...) Il faut des services de proximité, des portages de repas...»
Faute de sorties, le logement peut apparaître comme «une prison»
En revanche, dans les deux situations, les restrictions à la mobilité des habitantes sont soulignées. Dans un immeuble du quartier Montchapet, datant du milieu du XXème siècle, pas d'ascenseur. Michèle ne peut sortir du logement qu'avec «l'aide de son fils».
Dans un immeuble du quartier Monge, construit dans les années 1980, un ascenseur certes mais «souvent en panne», comme le signale Rosette. Le logement peut alors apparaître comme «une prison», alerte l'infirmière. D'autant plus quand s'ajoutent des problématiques de sécurité en raison de parties communes régulièrement squattées par des personnes n'habitant pas l'immeuble.
Ma Prime Adapt' est destinée aux personnes handicapées ou âgées
Autre enjeu, l'adaptation du logement. «Casser une baignoire pour mettre une douche à l'italienne, ça met du temps», regrette Jihane Chourak, «à domicile, il faut répondre rapidement, la personne veut se doucher maintenant, pas dans six mois, cela ne va pas assez vite»
«Ma Prime Adapt' a été mise en place par l’État pour accompagner à la fois les personnes en situation de handicap mais également les personnes âgées en perte d'autonomie», signale toutefois Fadila Khattabi. «L’État intervient dans le cadre de cette prime en fonction des revenus du foyer fiscal. Les travaux peuvent être pris en charge jusqu'à 22.000 euros. Il faut faire appel à un artisan, parfois, cela peut prendre du temps mais c'est vraiment un dispositif qui est très important pour la mise en accessibilité du logement : rampe d'escalier, place de parking PMR...»
«Un travail de coordination intelligent améliore la prise en charge de la personne»
Concernant l'attractivité, Jihane Chourak incite à «apporter des avantages» car «il n'y a pas que le salaire». «[Au sein de Vyv Domicile], on privilégie les soins relationnels donc un patiente qui n'a pas envie d'un soin ou d'une douche aujourd'hui et elle a envie de parler, on prend le temps de le faire», signale l'infirmière. «Ça impacte tout. Le fait de parler 5 minutes avec la patiente, elle va aller mieux et ça va jouer sur toute sa journée, sur ses angoisses.»
«Je salue tout le travail qui est fait pas les professionnels, tout le travail de coordination, de management, qui se fait en bonne intelligence», réagit Fadila Khattabi concernant cet aspect qui participe également des conditions de travail. «[Jihane Chourak] coordonne toute cette journée : l'aide à domicile, l'assistante de vie... C'est plusieurs intervenants dans la journée au domicile de la personne. Un travail de coordination intelligent améliore la prise en charge de la personne.»
Jean-Christophe Tardivon