«À ceux qui, à droite toute, tapent sur l’Europe à bras raccourcis, il faut leur rappeler que la France est le pays qui, de loin, bénéficie
le plus de la PAC, que leurs élus en ont voté les dispositions qui,
aujourd’hui acculent les agriculteurs au désespoir», développe la militante des Verts.
Communiqué d'Europe Écologie Les Verts Franche-Comté du 24 janvier 2024 :Dans les années 60, l’agriculture française prétendait « nourrir le monde ». Ses représentants, en phase avec les ministres qui se succédaient rue de Varenne, défendaient la « vocation exportatrice » de l’agriculture française, au mépris des paysans des pays en voie de développement, dont les productions n’accédaient même plus aux marchés locaux, au mépris de la qualité de l’eau et de la santé des agriculteurs eux-mêmes, qui utilisaient sans protection des produits toxiques progressivement retirés du marché.
Année après année, le prix des produits agricoles, sur le marché mondial, a été déconnecté du coût de production. La pression s’est accentuée… Produire, produire encore, produire toujours plus, en s’agrandissant, en s’équipant, en s’endettant…
La PAC - dont il faut rappeler qu’elle n’est pas décidée par une Europe sans visage mais par les ministres de l’Agriculture des Etats de l’Union d’une part, par le Parlement européen d’autre part, au sein duquel les écologistes n’occupent que 10 % des sièges – a accompagné cette dérive. Plus on est gros, plus on produit, plus on est « aidé ». C’est la logique même du 1er pilier de la PAC !
Les gouvernements successifs ont fait leur choix. En accord avec la puissante FNSEA – qui défend plus les grandes exploitations du Bassin parisien que les fermes de polyculture-élevage de taille raisonnable du Haut Doubs, du Haut Jura ou de Haute-Saône, et dont beaucoup de représentants siègent à l’Assemblée nationale et au Sénat – ils ont constamment rogné les crédits du 2ème pilier, conçus pour accompagner les paysans dans leurs efforts pour produire mieux, pour réduire l’impact environnemental de leur activité, pour entretenir les paysages et les milieux.
Année après année, les « gros » ont mangé les « petits », acculés à la ruine, au suicide, au départ. Deux exploitations sur trois ont disparu en 40 ans !
Qui est responsable ? Nous tous, qui avons pris l’habitude d’acheter des produits alimentaires dont l’emballage et le marketing coûtent bien plus cher que le prix payé au paysan. Mais aussi l’industrie agroalimentaire et les distributeurs qui se gavent ; les grosses coopératives qui vendent semences et intrants et fixent des prix toujours plus bas pour le lait ou le grain ; les politiques qui craignent qu’on ne déverse du purin devant leur permanence… et les agriculteurs eux-mêmes qui, malgré leur détresse et leur colère, continuent à voter syndicalement et politiquement pour ceux qui les ont acculés dans cette impasse.
Que propose le gouvernement ?
Moins de « normes » ? Mais toutes ne sont pas à jeter ! Les AOP n’ont-elles pas permis de valoriser des produits et des filières de qualité ? Les normes européennes ne permettent-elles pas une harmonisation des bonnes pratiques et une concurrence plus loyale ? S’agit-il de faire « comme on veut », pesticides, hormones, OGM, pollutions ? C’est hors de question !
Moins de tracasseries ? On ne peut qu’être pour, quand ces « tracasseries » ne servent pas à garantir la sécurité du consommateur et le respect du vivant. Mais n’est-il pas urgent d’aller plus loin ?
Il faut remettre en cause la répartition scandaleuse des « aides » du 1er pilier, quand 20% des agriculteurs touchent 80% des aides de la PAC et que 30 % des agriculteurs n’en perçoivent aucune ? C’est le cas des maraîchers par exemple… Une anomalie, quand on encourage les consommateurs à consommer 5 fruits et légumes par jour !
Et il faut accompagner, en revalorisant fortement le 2ème pilier, les efforts de ceux – ils sont nombreux ! - qui produisent des aliments sains et savoureux sans épuiser les sols, sans épandre de lisier à proximité des cours d’eau ; et de ceux qui, hier otages d’un système productiviste qui ne leur permet pas de vivre décemment, sont engagés dans une démarche active de transition.
Quant à ceux qui, à droite toute, tapent sur l’Europe à bras raccourcis, il faut leur rappeler que la France est le pays qui, de loin, bénéficie le plus de la PAC, que leurs élus en ont voté les dispositions qui, aujourd’hui acculent les agriculteurs au désespoir et qu’on attend d’eux aujourd’hui un peu d’humilité à défaut de repentir et d’excuses.
Dominique Voynet
Secrétaire régionale
EELV Franche-Comté