En Bourgogne-Franche-Comté, les militants associatifs de la foncière agricole notent que «88% des surfaces sont utilisées pour la production d’aliments à destination des animaux d’élevage».
Communiqué de Terre de liens Bourgogne-Franche-Comté du 25 février 2025 :Avec le Salon de l’agriculture en toile de fond et alors que la tension dans le monde agricole est toujours palpable, la loi d'orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture a été adopté la semaine dernière.
Dans son 4ème rapport sur l’état des terres agricoles en France publié lundi 17 février, Terre de Liens révèle que la France a perdu la capacité à nourrir sa population. En l’état, la Loi ne devrait qu’aggraver 75 ans de déconnexion politique entre agriculture et alimentation.
2100 m2 de terres par habitant, là où il en faudrait le double
Avec un potentiel nourricier de 130 %, la France dispose en théorie d’assez de terres agricoles pour nourrir sa population. Mais dans son nouveau rapport sur l’état des terres agricoles, Terre de Liens révèle que cette prétendue souveraineté alimentaire est aujourd’hui réduite à une chimère politique. Tandis qu’elle exporte la production de 43 % de ses terres (12 millions d’hectares), la France importe aujourd’hui l'équivalent de 10 millions d’hectares de terres, la surface de l'Islande, pour notre alimentation. Dans ces conditions, en France, la surface de terres nourricières est réduite à 2 100 m2 par habitant, quand il en faudrait le double pour nourrir une personne.
Ultra-spécialisation des territoires, pression accrue sur les terres, agriculteurs qui mettent la clé sous la porte, cette orientation à marche forcée de notre agriculture a considérablement modifié le visage de la ferme-france. La Bourgogne-Franche-Comté illustre elle aussi l’absurdité de la situation. La surface agricole représente 59% de la superficie totale et la région pourrait nourrir 201% de sa population. Pourtant, avec 88% des surfaces utilisées pour la production d’aliments à destination des animaux d’élevage, dont une partie quitte le territoire, il manque cruellement de fruits et légumes et d’oléo-protéagineux. La région est donc totalement dépendante d’autres territoires pour nourrir sa population en aliments de première nécessité.
La situation de l'agriculture française se résume en un triste palmarès : accro aux intrants importés pour produire en masse et tenir la cadence des exportations, la France ne cesse d'accroître ses importations pour remplir nos assiettes. Elles ont doublé en 20 ans.
Agriculture et alimentation, 75 ans de déconnexion politique
D’un côté de la chaîne, les agriculteurs·trices crient leur désespoir d’un revenu indigne face à la concurrence mondiale. De l’autre, la précarité alimentaire des Français augmente et les conséquences de notre alimentation sur notre santé se chiffrent en milliards.
Dans son rapport, Terre de Liens dresse un état des lieux effarant : entre agriculture et alimentation, 75 ans de déconnexion politique ont conduit à la situation que nous connaissons aujourd’hui. À l’heure où la France entend se doter d’une loi d’orientation agricole pour “préserver” sa souveraineté alimentaire, Terre de Liens appelle le gouvernement à prendre acte que cette dernière n’est plus. Ce dont il s’agit aujourd’hui, c’est de mettre en cohérence production agricole et besoins alimentaires, de toute urgence.
Les leviers sont éminemment politiques :
- La PAC, dont aujourd’hui 20 % des plus gros bénéficiaires perçoivent 51 % des aides directes, encourage une production industrielle tournée vers le commerce international, au détriment de la durabilité des systèmes. Il est impensable de maintenir en l’état ce levier financier, qui représente en moyenne 74 % du revenu courant avant impôt des agriculteurs·trices, calibré de telle sorte qu’il nous prive de souveraineté alimentaire ;
- Les accords de libre-échange (Nouvelle Zélande, CETA, Mercosur) accroissent les kilomètres entre le champ et l’assiette, faisant perdre de vue où et comment est produite l’alimentation. Il est temps d’en finir avec la mauvaise foi du gouvernement qui a signé des dizaines de traités de libre-échange ;
- Les acteurs de l’aval (transformation, distribution) reçoivent chaque année 16,4 milliards principalement sous forme d’exonérations fiscales et de cotisations sociales. Or, ces acteurs orientent considérablement la production agricole. Ces exonérations fiscales représentent donc un levier important de politique publique.
- Le départ massif à la retraite des agriculteurs entraîne la disparition de 200 fermes par semaine en France. En Bourgogne-Franche-Comté, si la tendance ne s’inverse pas, en 2040, il ne restera que 28 000 agriculteur·rices, versus 63 000 en 2010 et 110 000 en 1988. Une autre politique d’accès à la terre et d’installation doit voir le jour sans plus tarder pour remplir les objectifs de la France de renouvellement des générations.
En l’état, la loi passe à côté de son objectif : des terres et des agriculteurs·trices pour une souveraineté alimentaire préservée. Sans moyens sur l’enjeu de renouvellement des générations et de la résilience des fermes (le long terme qui devrait être central dans une loi d’orientation), elle a fait semblant de donner des gages aux agriculteurs•trices par un abaissement généralisé des normes qui ne règlera pas leur problème de revenu et consacre dans le même temps une vision de la souveraineté alimentaire calquée sur la balance commerciale de la France.