Ce jeudi 10 novembre, aux assises, se tenait le procès de l'infirmière accusée de l'empoisonnement de ses deux enfants, à Is-sur-Tille, en 2019. Durant l'audience, la prévenue a fait une «décompensation grave» nécessitant une hospitalisation psychiatrique.
Une situation hors norme s'est produite aux assises de Dijon lors d'un procès exceptionnel et douloureux portant sur le jugement d'un infanticide. Infirmière de profession, Sylvie Wojcik est accusée d'avoir empoisonné ses deux filles par injection d'insuline.
Durant l'audience, la prévenue a fait une décompensation psychique et a dû être hospitalisée. Le procès a été renvoyé et la nouvelle audience pourrait ne pas être fixée avant plusieurs mois, selon l'état psychiatrique de Sylvie Wojcik.
Deux fillettes empoisonnées à l'insuline à Is-sur-Tille
Les faits sont survenus au domicile familial, à Is-sur-Tille, le 25 novembre 2019. L'accusée, alors âgée de 38 ans, aurait injecté de l'insuline à ses enfants, Lana, 7 ans, et Maëlys, 9 ans, avant de faire de même en tentant de se suicider.
Mais la fillette de 9 ans s'est réveillée, a trouvé sa sœur et sa mère inanimées puis a prévenu ses grands-parents qui ont alors alerté les gendarmes. Lana est décédée quelques jours plus tard au CHU Dijon Bourgogne.
Le parquet a ouvert une enquête, retenant le chef d'empoisonnement sur mineurs de 15 ans et a écroué Sylvie Wojcik. Durant sa détention provisoire, elle a effectué des séjours en hôpital psychiatrique.
Le procès a débuté le 7 novembre dernier à la cour d'assises de Dijon. La prévenue encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
Une crise en audience nécessitant une hospitalisation d'office
Ce jeudi 10 novembre 2022, au matin, lors de l'audience du père des enfants, l'accusée a connu une grave crise conduisant la présidente de la cour d'assises à solliciter un médecin. La prévenue semblait communiquer par des cris et des gestes avec sa fille décédée. Une certificat d'hospitalisation a été accordé et la prévenue a été conduite au CHU Dijon Bourgogne.
L'après-midi, en reprenant l'audience, la présidente Caroline Podevin indique qu'elle informera l'autorité préfectorale de façon à demander «l'admission de l'intéressée en hospitalisation d'office» et à permettre son admission au centre hospitalier La Chartreuse dans la journée.
«Ne pouvons pas poursuivre les travaux en l'absence de l'accusée», constate alors la présidente qui envisage «la réouverture d'un procès en première instance». «Il y aura une nécessité de prescrire un certain nombre d'expertises médicales préalables à cet audiencement».
La douleur et la frustration des parties civiles
«Il y a beaucoup de douleur dans ce dossier», constate Maître Emmanuel Touraille, représentant les parties civiles, le père des enfants ainsi que les grands-parents. «Je pense qu'à cette jeune adolescente, [NDLR : la sœur de la défunte]. J'espère que ce procès pourra aller au bout car c'est absolument essentiel (…) pour qu'elle puisse faire cette résilience qu'elle appelle de ses vœux.»
L'avocat salue le papa et la belle-maman qui «portent cette enfant depuis des années maintenant» et rends hommage à «cette jeune adolescente qui a perdu sa maman d'une certaine manière».
Selon l'avocat général, «l'accusée ne pouvait pas revenir dans cette salle, elle n'est pas du tout en état d'être jugée». «J'entends la frustration importante», ajoute-t-il, «nous nous retrouverons dans quelques temps».
L'accusée était «contre ce renvoi»
«Je pense à tous les membres de cette famille dévastée», déclare Maître Samuel Estève qui défend l'accusée en étant assisté de Maître David Cabannes. Les avocats indiquent que l'accusée était «contre ce renvoi» : «elle a toujours manifesté son intention de vouloir aller au bout de ce procès, (…) elle ne le peut pas humainement et physiquement.»
La présidente ordonne donc le renvoi de cette affaire et annonce «une reprogrammation qui tiendra compte de l'évolution de son état de santé».
«Sylvie Wojcik a une souffrance qui dépasse l'entendement», explique la défense
«Tout le monde a besoin de ce procès. Il va revenir, ce procès. Et en particulier Sylvie Wojcik, bien sûr, qui en avait besoin et qui si elle pouvait le dire, ne voudrait pas de ce renvoi», explique Maître Samuel Estève à l'issue de l'audience de renvoi. «Son état était tel – je ne suis pas psychiatre mais L'accuséeelle a fait une sorte de décompensation grave – que l'on ne pouvait pas continuer évidemment avec elle ni sans elle.»
L'avocat souhaite qu'un nouveau procès puisse effectivement se tenir : «elle en a besoin. Toute la famille en a besoin, en particulier, elle. Je l'espère en fonction de l'évolution de son état. Il faudra repartir à zéro.»
«Sylvie Wojcik a une souffrance qui dépasse l'entendement, qui l'habite en permanence. En particulier aux diverses phases de ce procès où elle est confronté au concret de ce qu'elle a fait», ajoute le défenseur.
«C'est un dossier tout à fait exceptionnel. C'est toujours plus facile d'avoir un salaud dans le box. Là, ce n'est pas le cas. C'est ça qui est compliqué parce qu'on pleure pour la victime, quand c'est un enfant a fortiori, on pleure pour Lana, on pleure pour [Maëlys] mais on pleure aussi pour l'accusée. (…) On pleure pour les victimes et pour l'accusée», analyse-t-il.
«On a utilisé un article du code de procédure pénale qu'on a interprété un peu extensivement pour permettre l'évacuation de Madame Wojcik, qu'elle soit absente sur certaines phases du procès, sur certaines auditions pour que ça puisse se faire. C'est techniquement possible et tout le monde en était d'accord. On a été au bout du bout avec beaucoup d'humanité», précise-t-il.
«Les parties civiles ont peur que le procès ne puisse pas se tenir»
«Tout le monde a essayé que ce procès aille au bout parce que c'est une nécessité pour l'accusée, évidemment, mais surtout pour les parties civiles, surtout pour la petite Maëlys», indique à son tour Maître Emmanuel Touraille.
«Ce qui va être douloureux pour le papa, pour la belle-maman, ça va être de 'débriefer', d'expliquer la situation à cette jeune adolescente, collégienne, parce qu'il y a l'acte, l'explication de l'acte de la maman. Ça va être très compliqué pour eux parce qu'elle attendait ce procès, cette jeune adolescente, elle attendait une décision de justice qui puisse lui permettre d'être projetée vers univers futur, de pouvoir se construire, d'aller de l'avant. Là, forcément, on va lui expliquer que peut-être dans six mois, on va revenir sur un procès, avec de nouveau cette charge émotionnelle très importante», développe l'avocat.
«[Les parties civiles] ont peur que le procès ne puisse pas se tenir. Je vais aller jusqu'au bout, notamment du positionnement du papa. Le papa, ne sait qu'une chose : il lui reste un enfant, Maëlys, il n'a pas le droit de flancher pour elle. Il doit l'aider à construire sa vie», insiste-t-il. Aujourd'hui, le père a une compagne, ils ont eu une fille ensemble qui est donc la demi-sœur de Maëlys.
«On n'est pas dans une abolition du discernement», selon les parties civiles
«Un infanticide, c'est toujours quelque chose de hors norme. Là, on est dans un double infanticide – dans le sens où il y avait deux enfants – avec une tentative de suicide de la maman», note l'avocat avec gravité.
«Véritablement, il y a un problème psychiatrique de la part de cette maman mais on n'est pas dans une abolition du discernement», poursuit Maître Emmanuel Touraille. «Ce qui est d'autant plus douloureux pour elle maintenant, c'est qu'elle est obligée de faire face à des actes qu'elle a commis antérieurement et c'est cette douleur-là qui est terrible pour elle. Mais tout accusé doit, à un moment donné, devant une cour d'assises, faire face aux faits qu'il a commis et là, il se trouve qu'elle n'arrive pas à le supporter.»
Jean-Christophe Tardivon
Maître Samuel Estève, défenseur de l'infirmière
Maître Emmanuel Touraille, avocat des parties civiles