«Je vois une université qui, en dix ans, s'est saisie de tous les outils qu'on a mis à sa disposition pour grandir», a déclaré l'ancienne ministre de Nicolas Sarkozy durant sa visite à Dijon d'un laboratoire d'excellence de l'université de Bourgogne ce jeudi 14 octobre.
Le laboratoire interdisciplinaire Carnot de Bourgogne est spécialisé sur les recherches concernant les interactions entre la lumière et la matière. Dirigé par Stéphane Guérin, il comprend 167 personnels permanents dont 130 enseignants et enseignants-chercheurs et est financé à 90% par des partenariats public-privé.
Le site ARCEN-Carnot (Applications, Recherches et Caractérisations à l’Échelle Nanométrique) du CNRS est situé sur le campus dijonnais de l'université de Bourgogne (avec une centaine de personnels). D'autres sites sont localisés au Creusot, à Chalon-sur-Saône et près de Belfort.
Ce jeudi 14 octobre 2021, le laboratoire reçoit la visite de Valérie Pécresse, ex-ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, qui fait étape sur le campus dans sa campagne pour la primaire de la droite, accompagnée par Rémi Delatte (LR-Libres), député de la Côte-d'Or, et Laurent Bourguignat (LR-Libres), conseiller municipal d'opposition à Dijon.
De la recherche fondamentale aux applications industrielles
«On va de la physique-mathématique jusqu'à l'industrie», explique Stéphane Guérin en accueillant Valérie Pécresse, «c'est exceptionnel que l'on puisse partir du fondamental pour avoir des technologies uniques et pouvoir développer une application industrielle».
Les applications peuvent concerner l'optique, les nanosciences ou l’ingénierie des matériaux : détection de réactions chimiques dans les atmosphères planétaires, vectorisation de médicaments via des nanoparticules d'oxydes ou encore conception de bétons très performants. Framatome, Alstom ou Velsatis font partie des principaux partenaires industriels intéressés par les retombées pratiques.
Concernant les matériaux, les chercheurs travaillent à contrôler la matière par des lasers à l'échelle du nanomètre (un milliardième de mètre) pour réaliser des moteurs quantiques modifiant l'agencement des atomes afin de créer des objets avec une grande précision. C'est la photonique. L'objectif de ces recherches pour l'industrie du futur est de fabriquer des pièces de métallurgie et de céramique à partir de poudre en utilisant de la lumière.
Au cours de sa visite, la candidate découvre notamment un microscope électronique à transmission permettant de visualiser des atomes, en l'occurrence des particules de ruthénium, impliquées dans le stockage de l'hydrogène.
«Ça me fait un immense plaisir de revenir à Dijon»
Quand les laboratoires Carnot ont été créées par son prédécesseur, Valérie Pécresse était rapporteure de la loi Goulard. Par la suite, elle a contribué à rédiger le programme de Nicolas Sarkozy concernant l'enseignement supérieur. «Les sujets universitaires me passionnaient depuis toujours», indique-t-elle au cours de la déambulation, «la convergence universités-grandes écoles étaient vraiment dans mon ADN».
Durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, le gouvernement a décidé d'élaborer un «plan campus». Lors de cette visite dijonnaise, Valérie Pécresse se souvient que le projet de rénovation des bâtiments l'université de Bourgogne avait «tellement de cohérence» qu'il lui a donné l'idée de faire un plan spécifique «petits campus» pour Dijon, Nice, Le Havre et La Rochelle.
«J'ai fait ensuite le Plan d'Investissement d'Avenir ; tout ce qui est recherche sur projet, c'est moi qui l'ai mis en œuvre», signale l'ex-ministre. D'où un intérêt marqué pour ce laboratoire d'excellence de l'université de Bourgogne.
«Ça me fait un immense plaisir de revenir à Dijon, (…) c'est un très grand bonheur», confie Valérie Pécresse avec émotion, «je vois une université qui, en dix ans, s'est saisie de tous les outils qu'on a mis à sa disposition pour grandir (…) et embellir».
Confier la gestion des CROUS aux universités
Alors ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, Valérie Pécresse a porté la Loi relative aux libertés et responsabilités des universités promulguée en 2007. Aujourd'hui, la candidate expose ses propositions pour l'enseignement supérieur, à commencer par «un acte deux de l'autonomie des universités».
«L'autonomie a été laissée en jachère par mes successeurs depuis 2012, elle a même régressé dans certaines domaines. Je sens qu'il y a une envie d'un certain nombre d'universités de passer à une étape deux dans laquelle on leur fait vraiment plus confiance. (…) Le pouvoir des universités sur leurs recettes est quand même très faible», développe-t-elle.
Valérie Pécresse propose de confier la gestion des CROUS aux universités volontaires pour «faire une logique vie étudiante globale et ne pas avoir deux entités séparées». Elle vise aussi à «plus d'indépendance» pour les créations de formations et pour les recrutements.
«Il faut faire de l'orientation sélective à l'entrée»
«Quand une université attire de nouveaux étudiants, son financement ne suit pas», constate Valérie Pécresse. «L'objectif n'est pas de retirer des crédits aux unes pour les donner aux autres, ce n'est pas la logique de l'autonomie. On part d'une situation et on essaie de voir comment une université peut avoir plus de ressources propres. (…) Il faut que les universités aient les moyens de leur développement surtout quand elles sont dynamiques (…) et qu'il y a des débouchés derrière. C'est important de se dire que les formations que l'on ouvre ont des débouchés derrière ; je sais que c'est un petit disruptif de parler d'insertion professionnelle des jeunes même si depuis quinze ans, c'est la troisième mission des universités», développe-t-elle.
«Il faut faire de l'orientation sélective à l'entrée», assume la candidate, «on a un vrai problème avec Parcoursup, la sélection est quand même assez opaque pour les familles. Je crois qu'il faut que les universités acceptent de mettre sur la table quels sont leurs prérequis au regard des résultats des élèves qui postulent, de leur motivation et de leurs compétences. Il faut que les critères de choix de Parcoursup soient beaucoup plus transparents», martèle-t-elle.
Décloisonner les recherches publiques et privées
Et de conclure en revenant sur le laboratoire Carnot : «ce laboratoire est un flambeau de ce que la recherche public-privé peut faire, il faut faire cela beaucoup plus intensément», analyse la candidate. «Je souhaite aller encore plus loin dans le décloisonnement entre la recherche publique et la recherche privée», lance-t-elle. «On a encore trop en France des laboratoires qui travaillent en silo et des entreprises qui travaillent en silo. Je créerai un ministère de l'industrie et de la Recherche.»
La candidate ne s'engage pas sur le financement de telles propositions : «il y a un modèle économique des universités sur lequel il faut qu'on débatte». Elle songe néanmoins à laisser les universités proposer des formations payantes pour «avoir des ressources propres». Les réponses passeraient par «une conférence des universités».
Jean-Christophe Tardivon