De nombreux dossiers agricoles liés au FEADER sont en souffrance et de nouveaux arrivent. Ce mercredi 11 décembre, à Dijon, la présidente de la Région Bourgogne-Franche-Comté a mis en avant un «effort conséquent» pour «sortir de la crise». Par ailleurs, Marie-Guite Dufay a donné quelques indications sur la construction du budget pour 2025.
Depuis plusieurs mois, les agriculteurs de Bourgogne-Franche-Comté protestent contre les retards pris par l'administration régionale pour traiter les dossiers d'aides issues de fonds européens, tout particulièrement en Saône-et-Loire.
Après des mesures par le ministre de l'Agriculture en début d'année puis par le préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté, Marie-Guite Dufay (PS) a annoncé, ce mercredi 11 décembre 2024, à Dijon, un «plan exceptionnel pour l'agriculture».
«Un plan qui rassure les agriculteurs sur notre capacité à instruire les dossiers à temps»
«Les agriculteurs, c'est une profession qui est très sinistrée», a considéré a présidente du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté au moment où, parallèlement, des militants de la FDSEA et des Jeunes Agriculteurs de la Côte-d'Or manifestaient devant l'Hôtel de préfecture, à Dijon, pour porter des revendications nationales cette fois (
lire notre article).
«La crise agricole a été suffisamment importante depuis ces derniers mois pour que soit présenté un plan de sortie de crise, un plan qui rassure les agriculteurs sur notre capacité à instruire les dossiers à temps», a déclaré la responsable de l'exécutif régionale.
7,5 millions d'euros pour cette «sortie de crise» des dossiers FEADER
Ce «plan exceptionnel» prend place dans le contexte de l'approche de la date butoir de juin 2025 pour traiter tous les dossiers correspondant à la programmation en cours du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) et du lancement des appels à projets pour la prochaine programmation.
En lien avec le préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté, le conseil régional a trouvé un accord avec l’État que les services préfectoraux reprennent le traitement de 700 dossiers concernant la programmation en cours, soit environ la moitié des dossiers en instance. «La Région amènera à l’État des moyens pour financer les dossiers», assuré Marie-Guite Dufay.
La collectivité sous-traitera à un cabinet extérieur l'instruction des réponses à un appel à projets de modernisation sur la période 2023-2027 qui a connu «un succès considérable» avec deux fois plus de dossiers qu'attendu.
De plus, la Région prendra en charge des dossiers qui déborderaient des limites de l'enveloppe fixée par le FEADER. «Nous ne voulons pas laisser de côté des agriculteurs qui auraient la malchance d'arriver trop tard, (…) la Région va s'ajouter au FEADER», a précisé la responsable de l'exécutif, «les dossiers vont être traités trois fois plus vite que s'ils étaient restés dans l'enceinte du FEADER».
Entre la compensation du travail réalisé par les services de l’État, la sous-traitance à un cabinet extérieur et l'abondement complémentaire du FEADER, Région Bourgogne-Franche-Comté mobilise 7,5 millions d'euros pour cette «sortie de crise» (voir ci-dessous).
«C'est un effort conséquent pour la profession», a martelé Marie-Guite Dufay, «une profession qui, objectivement, rencontre, peut-être plus que beaucoup d'autres, de grandes difficultés».
«Les collectivités doivent prendre leur part» au «redressement des comptes publics»
Concernant la session plénière prévue, ce vendredi 13 décembre 2024, à Lons-le-Saunier (Jura), le débat d'orientation budgétaire (DOB), habituellement tenu en fin d'année, a été repoussé en vue d'un vote du budget primitif 2025 en, mars.
Néanmoins, la situation nationale s'impose à la collectivité territoriale. «On construira notre budget mais on ne saura pas tout», a expliqué Marie-Guite Dufay, «soit on revient à avant et on fait un budget comme si l'épisode de cet automne – avec les contraintes maximales sur les collectivités –, on n'en parlait plus ; soit on se prépare au pire, (…) la dette de l’État est toujours là, ce n'est pas aux collectivités de résorber la dette de l’État mais les collectivités doivent prendre leur part».
«On fera en sorte d'étaler nos efforts sur 2025 et 2026»
La présidente de la Région Bourgogne-Franche-Comté envisage donc de s'engager dans un futur DOB en intégrant les «contraintes» pouvant s'appliquer aux collectivités territoriales : «espérons que des nouveaux débats budgétaires sortira une solution un peu plus favorable pour les collectivités, on aura matière à desserrer».
En octobre dernier, l'«effort» demandé par le gouvernement pour contribuer au «redressement des comptes publics» était estimé à 68 millions d'euros à l'échelle de la Région Bourgogne-Franche-Comté.
«On fera en sorte d'étaler nos efforts sur 2025 et 2026», a-t-elle envisagé. «C'est une très grande complexité de bâtir un budget en n'ayant pas les éléments de la loi de finances nationale. (…) Je fais le choix de la responsabilité. (…) La responsabilité, c'est qu'on contribue à l'effort national à condition qu'il soit juste, qu'il ne soit pas aussi écrasant que ce qu'il était prévu. Nous devons faire des efforts mais, ces efforts, nous feront en sorte qu'ils n’abîment pas l'armature de notre plan de mandat : l'emploi, l'écologie, la fraternité.»
«Nous allons diminuer des investissements, des dépenses, nos partenaires ne pourront pas tabler sur les mêmes budgets», a développé la responsable de l'exécutif, «tous les budgets feront l'objet d'une diminution avec une exception : la culture». «Je suis trop attachée à ce que représente la culture dans notre société comme moyen d'émancipation.»
«Je ferais en sorte que l'écologie soit le moins touchée possible», s'est-elle empressée d'ajouter en songeant notamment à l'accompagnement de la rénovation énergétique des bâtiments, en particulier dans l'habitat social.
«Les efforts pourront être fait sans remettre en cause nos fondamentaux»
Une décision modificative pour l'année 2024 sera examinée, ce vendredi, «sans dépense sauf l'exception de la sortie de crise de l'agriculture».
La session correspondra donc à «la réunion d'une assemblée gestionnaire pour que nous affections des moyens à nos partenaires en anticipant sur le budget de l'année prochaine, ce que nous verserons sera repris dans le budget que l'on versera, ces moyens préemptent le prochain budget».
La collectivité se doit notamment d'honorer les salaires des agents, le paiement des stagiaires de la formation professionnelle, la contribution TER ou encore les dotations des lycées.
«Si nous n'avions pas fait les efforts que nous avons fait en termes de rigueur de budgétaire, les efforts seraient impossibles», a relevé la socialiste, «les efforts pourront être fait sans remettre en cause nos fondamentaux : pousser les feux de l'emploi, de la transition écologique et les feux de la fraternité notamment en nous appuyant sur la culture».
«Le service public sera défendu», a-t-elle insisté en référence notamment aux champs des lycées, de la formation, des mobilités et de la culture. «On peut s'y prendre autrement.»
Concernant le gouvernement de Michel Barnier, «tout était allumé pour que rien ne marche»
La socialiste s'est également exprimée sur la situation nationale, consécutivement à la démission de Michel Barnier suite au vote d'une motion de censure de son gouvernement.
À partir de «la dissolution», puis «des élections qui ne débouchent sur aucune majorité mais le pôle rassemblant toutes les forces est arrivé en tête» et, enfin, «un gouvernement sans forces du pôle de gauche», «c'était partir de la façon la plus bancale qui soit», a-t-elle analysé. «Quand on ajoute à ça la menace d'inéligibilité qui pèse sur le Rassemblement national, tout était allumé pour que rien ne marche.»
Pourquoi pas Pierre Moscovici comme Premier ministre ?
«On a touché le fond», a commenté Marie-Guite Dufay, «on va peut-être s'y prendre autrement». «Il faut que le Premier ministre arrive le plus vite possible. (…) Il faut aller chercher un Premier ministre dans les rangs de la gauche et regarder les compromis qui peuvent être travaillés. Ce qui a été demandé par le Parti socialiste a été plutôt clair : Premier ministre de la gauche, accord avec les macronistes et le centre-droit pour trouver des compromis. (…) Si on revient sur l'âge de départ à la retraite, qui paye ? Le sujet n'a pas été l'objet de débat entre les forces de droite et les forces de gauche qui avaient présenté un programme très clair en juillet.»
Parmi les multiples noms qui circulent pour éventuellement conduire le gouvernement, la socialiste verrait plutôt favorablement le choix de Pierre Moscovici, adhérent du PS jusqu'en 2020, longtemps député du Doubs, député européen, ministre de l’Économie notamment puis commissaire européen et désormais Premier président de la Cour des comptes.
Jean-Christophe Tardivon
Communiqué du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté du 11 décembre 2024 :FEADER - Un plan exceptionnel pour l'agriculture
Depuis le transfert entre l’État et la Région au 1er janvier 2023, la Région rencontre des difficultés dans le traitement des dossiers FEADER. Ces difficultés, d'ordre administratif, ont entraîné des retards significatifs dans le versement des aides à la modernisation des exploitations agricoles, concernant la programmation 2014-2022 comme la programmation en cours 2023-2027.
Dans ce contexte, la Région déploie un plan de sortie de crise exceptionnel au bénéfice des agriculteurs, de manière à résorber les retards, et à retrouver un rythme classique de programmation à l"été 2025.
Ce plan exceptionnel, qui mobilise 7,5 millions d'euros, repose sur trois piliers :
La reprise de 700 nouveaux dossiers par l’État La ministre de l'Agriculture a annoncé, le 15 novembre, la reprise par les services de l’État de 700 nouveaux dossiers, soit l'ensemble des dossiers encore à parvenir (sur les 1200 à payer, 500 étant déjà en cours de traitement dans les DDT ou dans les services de la Région). Les DDT qui réaliseront les paiements sont ainsi les mêmes services qui les ont instruits initialement.
La Région compensera le surcroît de travail en prenant à sa charge les frais de personnels de l’État. Ce soutien des services de l’État permettra d'accélérer le traitement des demandes de paiement, et ainsi de tenir les délais imposés par la Commission européenne, à savoir une transmission des demandes de paiement à l'ASP le 30 juin 2025.
La sous-traitance à un prestataire extérieur Contrairement à d'autres Régions, la Bourgogne-Franche-Comté a fait le choix d'ouvrir dès que possible les appels à projets de cette nouvelle programmation, de manière à ne pas pénaliser le rythme d'investissements du monde agricole.
Ainsi, pour le seul volet «modernisation», quatre appels à projets auront été ouverts entre 2023 et 2024, rencontrant un succès inédit, et représentant un volume de dossiers estimé à la fin de l'année 2024 à 1100.
Le recours à un cabinet extérieur permettra d'accélérer le traitement des dossiers déposés dans le cadre de la programmation 2023-2027.
La prise en charge sur crédits Région La Présidente, Marie-Guite Dufay, s'est engagée à la fois à la mise en place d'un dispositif de transition entre les deux programmations, qui permette de soutenir les dossiers qui ne répondraient pas aux exigences de la nouvelle programmation, et à la prise en charge des dossiers qui dépasseraient le volume de crédits européens alloués aux premiers appels à projets.
Sur le deuxième appel à projets ouvert, qui a rencontré un succès inédit, la demande de financement s'élève à 23 M€, pour une enveloppe de fonds européens disponibles de 16 M€.
Afin que l'ensemble des demandes soient satisfaites, la Région engage une procédure complémentaire, à travers un règlement d'intervention dédié, pour prendre à son compte la partie des dossiers qui excède l'enveloppe FEADER disponible.
Ce dispositif exceptionnel permettra à la fois de réduire le volume des dossiers à traiter dans le cadre du FEADER, et d'accélérer le traitement des dossiers en passant par une instruction régionale, plus souple que la réglementation européenne. Ce dispositif permettra de garantir un versement plus rapide au bénéfice des exploitations, et donc de l'économie locale. Ces dossiers seront inscrits à la Commission permanente de mars 2025.