L’attaque terroriste du Hamas contre Israël et l’assassinat terroriste de Dominique Bernard, ont alimenté le débat politique, ce vendredi 20 octobre, lors d'une session du conseil régional, à Dijon. Avec des attaques dures de Julien Odoul et Gilles Platret contre la majorité. Et une réponse cinglante de Jérôme Durain.
La session a débuté par une minute de silence.
Treize jours après l’attaque terroriste du Hamas contre Israël et pile une semaine après la mort de Dominique Bernard à Arras, ces deux tragiques événements et leurs conséquences se sont évidemment invités dans l’enceinte du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, ce vendredi 20 octobre 2023, à Dijon.
C’est Julien Odoul, le président du groupe Rassemblement National, qui a
fait monter la température, mais sans provoquer des réactions des élus
des autres groupes, qui visiblement avaient décidé de s’imposer le
silence. Mais les réactions, ensuite, n’ont pas tardé. Donnant à
l’hémicycle le visage d’une cocote minute, le jour même de la venue chez
SEB à Selongey, de deux ministres… Il y a parfois des concomitances
dont on dit qu’elles sont improbables. Sauf que ce vendredi, c’était
plus que probable !
La session, ouverte par Marie Guite Dufay (PS), a débuté par une minute de silence qui s’est déroulée sans deux élus communistes, absents de l’hémicycle à cet instant. A savoir Matthieu Guinebert (Doubs) et Gilles Lazar (Haute-Saône). Le premier a justifié à la fin du débat, qu’il avait un besoin pressant… A priori si pressant qu’il ne pouvait pas attendre une minute de silence.
Actualisé le 25 octobre 2023 : le second a indiqué être arrivé après la minute de silence à cause d'«un retard de train» (
lire le communiqué).
«Il est de notre devoir de soutenir les opérations menées pour sauver les otages», introduit Marie-Guite Dufay
La présidente de la Région Bourgogne-Franche-Comté débute son propos liminaire en évoquant «les attaques terroristes sans précédent» lancées par le Hamas contre la population israélienne, le 7 octobre dernier.
«Parce que rien ne peut jamais justifier le terrorisme, il est de notre devoir, en tant que pays de nous tenir aux côtés d'Israël dans cette épreuve, au-delà de la perception que les uns ou les autres peuvent avoir de la politique qui y est menée. Il est de notre devoir de soutenir les opérations menées pour sauver les otages parmi lesquels se trouvent certains de nos compatriotes», appuie la socialiste.
«Nous ne devons pour autant rester insensibles au sort de la population palestinienne de la bande de Gaza qui, d'une certaine manière, est elle-même victime de la folie du Hamas», ajoute-t-elle.
En fonction de quoi, «notre pays doit porter un réel effort diplomatique pour que les civils soient préservés et pour que l'action humanitaire et l'entrée de produits de première nécessité soit possible dans les meilleurs délais».
Marie-Guite Duffay partage son «horreur» devant l'assassinat de l'enseignant Dominique Bernard, survenu à Arras, le 13 octobre dernier. Un professeur victime d'«un terrorisme aveugle» parce que «sa mission était d'éclairer et d'instruire notre jeunesse».
La présidente de la collectivité poursuit en condamnant également l'attaque terroriste ayant tué deux Suédois, à Bruxelles, le 16 octobre dernier.
«Cela impose une vigilance absolue pour nos écoles, pour nos lieux publics. Vigilance absolue également face à l'accroissement d'actes antisémites. Cela appelle enfin à la recherche de la plus grande concorde entre tous et toutes dans notre pays en ces temps particulièrement troublés», déclare Marie-Guite Dufay en repoussant les tentatives d'«amalgame». «C'est d'unité dont notre pays a, aujourd'hui, le plus besoin.»
Indiquant que «nos pensées vont, aujourd'hui, vers les victimes, elles vont bien sûr à l'ensemble des communautés éducatives bien sûr ébranlées par ce nouveau drame», Marie-Guite Dufay appelle donc les élus à se lever et à respecter une minute de silence.
Julien Odoul : «Vous portez une responsabilité énorme dans l’avancée de l’islamisme»
«La France a perdu vendredi un de ses plus éminents serviteurs. On s’associe à la peine de la communauté éducative. Les drames se succèdent. On assiste avec impuissance, aux mêmes failles. Il n’y a aura pas d’avant et d’après Dominique Bernard», lance d’abord Julien Odoul (RN).
Et de poursuivre : «Quelles leçons ont été tirées ? Ce n’est pas le terrorisme qui nous attaque, c’est l’islamisme qui nous tue. Madame, la Présidente, vous n’avez pas prononcé le mot islamisme dans votre discours. Le terrorisme aujourd’hui est islamique. On voit bien ici au Conseil Régional, qu’il n’y a aucune volonté. Les minutes de silences se transforment en lâcheté. La seule unité qui vaille c’est autour de notre peuple. Elle n’est pas possible avec ceux qui n’ont rien fait. Vous nous avez parlé de l’apprentissage de la laïcité ; Il faudrait que votre assemblée l’apprenne !»
Le Président du groupe RN accuse ensuite : «Vous financez des boucheries confessionnelles, halal, est-ce l’apprentissage de la laïcité ? Subvention aussi à un magasin qui vend l’abaya. Sans compte la mise en-avant d’une étudiante voilée… Vous avez capitulé Madame la Présidente. Le rôle des élus c’est de faire barrage, de rappeler la laïcité. Vous, majorité de gauche, vous portez une responsabilité énorme dans l’avancée de l’islamisme. Nous avons une pensée pour toutes les victimes du Hamas, car le peuple palestinien en est aussi victime. Il faut faire attention aux subventions. On va vous demander de geler toutes les subventions à Gaza, aux associations. On a été étonné que vous vouliez subventionner une conférence à Besançon. Vous participer à la violences croissante de la haine de l’Etat d’Israël»
On vous demande de geler cette subvention».
Gilles Platret : «On ne peut plus peut subventionner ce qui alimente la haine»
C’est ensuite Gilles Platret (LR), le président du groupe d'opposition Les Républicains et de ses alliés, qui croise le fer. D’abord en lançant : «La razia du Hamas, à l’échelle planétaire marque une rupture dans le terrorisme. Le Hamas a toujours revendiqué son affiliation aux Frères Musulmans. Si les répercussions sont dans le monde, c’est que nous avons un mouvement islamique, avec des ramifications sur la terre entière.
Les minutes de silence ne sont pas suffisantes. Le but du Hamas n’était pas militaire, car Israël va frapper militairement et gagner. Mais un but plus idéologique pour frapper et terroriser les populations.
Cela nous concerne directement. Cela arrive sur les aides que la Région peut fournir, à des associations qui ne nous donnent pas l’assurance d’utiliser l’argent à des fins légitimes.
Lorsque sur leurs sites internet elle laissent trainer des revendications anti Israël. On ne peut plus peut subventionner ce qui alimente la haine.
Ce soir, vous allez proposer 2600 euros pour «peuple solidaire» du Doubs» qui laisse trainer des slogans anti Israël.
L’amitié pour la Palestine, c’est 40.000 euros ces dernières années. Y compris pour une association qui a été dissoute. Il y a une exigence morale, face aux enfants décapités, les femmes tuées. On vous demande la plus grande exigence.
L’islamisme est à quelques centaines de mètres d’ici, avec des salles de prières affiliées aux frères musulmans. Y compris dans la municipalité de Dijon, ce dont le Maire se félicite de l’amitié.
Je veux aussi dire que Saint-Léger de Fougeret dans la Nièvre a eu des liens avec Youssef al-Qaradaw qui prône la lapidation des femmes adultères et l’exécution des homosexuels».
Denis Thuriot : «Du jamais vu depuis l’après-guerre»
Le président du groupe d'opposition «majorité présidentielle», Denis Thuriot (REN) prend alors la parole, avec la volonté de se placer au-dessus de la mêlée : «Au nom des progressistes on apporte tout notre soutien au peuple israélien, aux familles endeuillées, et nous pensons très fort à Dominique Bernard.
C’est du jamais vu depuis la dernière guerre. Nous rendons hommage à toutes les victimes. Nous condamnons les actes terroristes , sans ambiguïté, contrairement à certains qui n'arrivent pas à prononcer ce terme et qui utilisent le mot ''résistance'' pour cautionner le Hamas.
Le Rassemblement National se prend à défendre Israël. Faut-il rappeler ce qu’il disait avant.
Le Hamas a sali la cause palestinienne. Je salue le PCF. Bravo d’avoir quitté la NUPES honteuse. Le PS va-t-il y arriver ? N’oublions pas qu’aux portes de l’Europe, la guerre en Ukraine continue, avec toujours des morts».
«Nous pleurons avec le peuple israélien et ceux qui ont été touchés», indique Stéphanie Modde
Pour le groupe Écologistes et solidaires, la vice-présidente Stéphanie Modde (EELV) dénonce, à son tour, le «choc» des «attaques terroristes» et adresse «[ses] pensées émues à la communauté éducative de notre pays, aux proches de Dominique Bernard, (…) aux élèves et parents d'élèves du lycée Gambetta d'Arras et à toutes celles et ceux qui en sont aujourd'hui proches et solidaires».
L'écologiste poursuit en dénonçant aussi «les attaques terroristes du Hamas en Israël». «Les écologistes seront toujours aux côtés de celles et ceux qi œuvrent pour la paix. Nous déplorons vraiment ce qui s'est passé en Israël. Nous pleurons avec le peuple israélien et ceux qui ont été touchés.»
«Nous devons chercher des réponses dans le droit international. (…) Nous ne pouvons tolérer que les civils de Gaza soient maintenus sous blocus et subissent des bombardements. Israéliens comme Palestiniens ont le droit de vivre en paix», insiste-t-elle, appelant à «retrouver la voie de la négociation et de la paix».
Stéphanie Modde continue son propos en répondant à Julien Odoul : «nous avons aucune leçon à recevoir d'un parti d'extrême-droite qui, depuis l'affaire Dreyfus, a une longue tradition d'antisémitisme et dont le chef Jean-Marie Le Pen considère les chambres à gaz comme un ''détail de l'histoire''».
«Le changement climatique amènera encore plus de violence pour le partage et l'accès aux ressources», alerte l'écologiste.
«Le terrorisme et la barbarie doivent être condamnés et combattus», selon Muriel Ternant
Pour le groupe des Communistes et républicains, Muriel Ternant (PCF) partage sa «solidarité» avec «le peuple israélien» et «le peuple palestinien», condamnant «sans ambiguïté»les «actes terroristes» du Hamas. «Face à de telles attaques dont la sauvagerie ébranlent le monde, c'est toute l'humanité qui doit se mobiliser contre le fléau du terrorisme en s'appuyant sur toutes les règles du droit international et la coopération totale de tous les pays dont la France.»
La communiste reproche toutefois au gouvernement israélien de «viser aveuglément la population palestinienne de Gaza» et demande à la France de «peser de toutes ses forces pour faire respecter le droit international». «Le siège de Gaz et le déplacement de plus d'un million de Gazaouis sont en train de créer une situation humanitaire sans précédent.»
Muriel Ternant demande à l'exécutif national de s'impliquer en vue d'«une solution à deux états impliquant la fin de la colonisation» vue comme «la seule solution à même de garantir durablement la paix en Israël et en Palestine».
«L'horreur, c'est aussi l'attaque au cœur de l'école de la République», poursuit la communiste, «une attaque terroriste islamiste». «C'est l'école laïque et émancipatrice qui est visée, l'école des savoirs face aux croyances, l'école de l'esprit critique face au dogmatisme.»
«Le terrorisme et la barbarie, d'où qu'ils viennent, doivent être condamnés et combattus (…) en donnant les moyens d'agir aux pouvoirs publics, aux renseignement, à la police et à la justice», insiste Muriel Ternant. «Il faut combattre les idées et le terreau des divisions et des haines sur lequel elles se développent.»
Dans ce contexte, «notre région a un rôle à jouer», assure la communiste qui regrette néanmoins «un contexte budgétaire bien trop contraignant» lié à «la politique de taux de la Banque centrale européenne».
Pour Jérôme Durain, «aucun argument ne saurait justifier le terrorisme islamiste»
Dans la veine des autres interventions de la majorité, Jérôme Durain (PS), président du groupe Notre région par cœur, condamne lui aussi, «avec la plus grande fermeté», «les attaques du Hamas en Israël» car «aucun argument ne saurait justifier le terrorisme islamiste» et rappelle sa «solidarité» avec la population israélienne. «Le droit à la défense d'Israël doit s'exercer dans le respect du droit international» pour «éviter un embrasement régional».
De la même façon, le socialiste condamne l'attaque survenue à Arras : «c'est enseignant a été victime d'un fanatisme islamiste qui ne supporte pas que l'on puisse enseigner la liberté de conscience pour favoriser l'émancipation».
«Dominique Bernard, Samuel Paty... deux enseignants mus par la même volonté de transmettre la promesse républicaine qui doit se forger au sein de l'école publique. (…) La laïcité protège contre les pressions religieuses, en premier lieu dans les salles de classe», revendique-t-il. «Il faut avoir une attention permanente pour la communauté éducative.»
Jérôme Durain fait «la pédagogie de l'imposture Rassemblement national»
«Une fois encore, je vais m'essayer à la pédagogie de l'imposture Rassemblement national», déclare Julien Odoul pour répondre aux «outrances» et aux «provocations» de l'opposant.
Réfutant toute «naïveté» ou «lâcheté», Jérôme Durain souligne le risque du terrorisme relevant de l'«ultra droite», «principale menace en Occident». Une menace sur laquelle Julien Odoul ne s'est pas exprimé. «Combien de morts ?», fuse depuis les rangs du RN alors que les élus étaient restés stoïques jusque là.
«Vous voyez toute la vie sociale par le prisme de la radicalisation islamiste et de l'immigration parce que c'est un business», lance Jérôme Durain. «On peut aimer les siens sans haïr les autres, (…) on peut assumer la fermeté sans renoncer à l'égalité.»
«On se souvient de la capacité de cynisme qui est la vôtre», poursuit-il en attribuant des citations à Julien Odoul qui s'agace de «propos diffamatoires». «Le vernis de respectabilité craque», tance Jérôme Durain qui dénonce «un lourd passé raciste et antisémite» dans un brouhaha venant du groupe RN.
«En réalité, nous savons, dans la logique de votre discours stigmatisant en permanence une communauté de notre pays, que exacerbez ce conflit pour renforcer votre entreprise de dédiabolisation et faire oublier par qui a été fondé le RN», développe le socialiste. «Mitterrrand a eu la francisque !», s'exclame Thomas Lutz hors micro.
«Avez-vous rompu avec ces vieilles lunes ?», fait mine de demander Jérôme Durain qui renvoie aux invités des colloques organisés à l'Assemblée nationale et financés par la dotation du RN : «les compagnons d'un certain Alain Soral, condamné pour antisémitisme, des anciens d'Occident, des collaborateurs de Civitas dont un des membres avaient proposé de déchoir les juifs de leur nationalité en juillet dernier».
«Notre dispositif d'attractivité ne concerne pas les migrants», assure Jérôme Durain
Le soutien de l'exécutif régional défend des dispositifs régulièrement critiqué par le groupe du RN : «notre dispositif d'attractivité ne concerne pas les migrants, c'est un mensonge. Mensonge aussi quand vous affirmez que nous soutenons des associations anti-israéliennes, exemple bisontin à l'appui.»
Toujours pour dénoncer «l'amalgame entre immigration et terrorisme», Jérôme Durain analyse que les représentants du RN «trient parmi les victimes du terrorisme islamiste : vous ne citez que les chrétiens et les juifs, il y aussi des victimes musulmanes».
«Vous n'êtes pas la solution, vous êtes le problème», cingle le socialiste qui s'attarde sur le sujet des fichés S : «on a affaire à un djihadisme qui est européen, il est endogène à l'Europe ; si on aborde le problème que sous le problème de l'immigration clandestine, on passe à côté du sujet». «75% des attentats commis sont le fait de Français», lance Jérôme Durain, «de papier !», réagit Julien Odoul hors micro, alors que ses voisins s'enflamment.
«Laissez parler l'orateur», intervient Marie-Guite Dufay. «Le terreau du terrorisme, c'est aussi dans la société française elle-même», analyse Jérôme Durain. «Comment se projeter, s'intégrer sans stabilité administrative ? (…) Si nous n'assurons pas un minimum de dignité à ceux qui veulent vivre avec nous, nous n'avons qu'à leur promettre humiliation, colère, haine et peut-être radicalisation. (…) Quand nous travaillons sur la citoyenneté dans les lycées, nous travaillons pour la concorde.»
«L'imposture est aussi en matière de protection sociale», continue le socialiste qui pointe les votes à l'Assemblée national des députés RN contre des sujets législatifs sociaux. Et de conclure : «les solutions du RN, c'est comme une foire, ça fait illusion mais ça ne fonctionne pas».
«Le RN est d'inspiration fasciste», clame Denis Thuriot
Bien que les propos liminaires soient terminés, la séquence sur le terrorisme se prolonge par une demande de rappel au règlement de Valérie Grangier (RN) qui se plaint que son voisin Rémy Rebeyrotte (REN) l'ait qualifiée de «Madame Facho» durant le brouhaha.
«Le RN est d'inspiration fasciste», clame Denis Thuriot (RN) pour défendre un membre du groupe politique qu'il préside. «Je suis d'accord», indique Marie-Guite Dufay qui doit cependant donner suite à la demande de Valérie Grangier et adresse un rappel à Rémy Rebeyrotte, élu régional également député qui s'était fait remarquer pour avoir mimer un salut nazi à l'Assemblée nationale. L'élu progressiste ne présente pas d'excuse mais admet le rappel au règlement.
«Maintenant, on respire et on essaie de s'écouter», glisse Marie-Guite Dufay au moment d'entrer dans l'examen des différents rapports, à commencer par celui sur la renégociation de la convention avec la SNCF portant sur les TER.
Alain BOLLERY et
Jean-Christophe TARDIVON
(Photographies Jean-Christophe TARDIVON)