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03/02/2024 19:21

EUROPÉENNES : «Le seul pays en Europe qui finance moins l'agriculture biologique que l'agriculture conventionnelle, c'est la France»

Les Verts Marine Tondelier et Benoît Biteau étaient en campagne électorale, ce mercredi 31 janvier, à Villebichot où ils ont échangé avec l'agricultrice Laurence Henriot sur les problématiques de production de céréales et de viande bovine.
Marine Tondelier bat la campagne en vue des élections européennes de juin prochain. Bien que Marie Toussaint soit tête de liste, la secrétaire nationale d'Europe Écologie Les Verts (en passe de changer de nom pour devenir Les Écologistes), accompagne notamment les députés européens sortants dans leurs visites de fermes pour échanger avec des agriculteurs et faire connaître les positions relevant de l'écologie politique.

Ce mercredi 31 janvier 2024, en plein mouvement social des agriculteurs et au lendemain du discours de politique générale du nouveau Premier ministre Gabriel Attal, Marine Tondelier s'est rendue avec Benoît Biteau, député européen, et Dominique Voynet, ancienne ministre et secrétaire régionale EELV Franche-Comté, dans une ferme bio de polyculture-élevage, à Villebichot, à l'est de Nuits-Saint-Georges.


La patronne des Verts a pris soin de ménager les agriculteurs – y compris les militants de la FNSEA –, préférant étriller le gouvernement sur sa politique agricole articulée avec celle de l'Union européenne.

Accueillie par Laurence Henriot, Raphaël Lanier et Herbé Naigeon, associés du GAEC Henriot, la délégation comprenait également deux vice-présidentes du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, Stéphanie Modde et Sarah Persil, ainsi que Claire Mallard, conseillère régionale et présidente du groupe politique Écologistes et solidaires, et Carole Bernhard, conseillère municipale d'opposition à Beaune.

Le nom inscrit sur la caissette pour «faire le lien entre le steak dans notre assiette et l'animal qu'il y avait avant»


Labellisée bio depuis 2011, la ferme s'étend sur 255 hectares dans la partie occidentale de la plaine de Saône. À environ 80 hectares par associé, la ferme s'inscrit dans «la moyenne basse de la Bourgogne». Sur une moitié, elle produit des céréales – blé, seigle, petit épeautre... – et élève sur l'autre moitié des vaches – dont 75 mères –, la célèbre race Charolaise et deux races menacées de disparition : la Bazadaise et la Ferrandaise.

«L'élevage a toute sa place dans l'agriculture française aujourd'hui, (…) l'élevage familial avec des vaches qui mangent de l'herbe, qui vont dehors, qui ne se nourrissent pas avec du maïs et du soja intensif», revendique Laurence Henriot.

Une partie de la production est commercialisée en vente directe. Des caissettes de viande sont proposées sans engagement deux fois par mois aux clients, certains faisant l'acquisition d'une année de consommation en une seule fois.

Les noms et dates de naissance des animaux figurent sur les caissettes de façon à «faire le lien entre le steak dans notre assiette et l'animal qu'il y avait avant».

«[La vente directe] permet de mieux valoriser les productions à la ferme», résume Laurence Henriot qui signale se regrouper avec d'autres producteurs et même proposer de la vente en ligne avec un retrait les jours de ces ventes bimensuelles.

Vente directe de farines


En 2020, un petit moulin fabriqué en France a été installé à demeure pour produire des farines et ainsi approvisionner sept boulangers ainsi que plusieurs épiceries spécialisées. Un second l'a rejoint en 2023.

«D'une année sur l'autre, le blé change», signale Raphaël Lanier, «le boulanger doit s'adapter». «La sélection moderne a sélectionné des blés avec des glutens très gluants, adaptés à la panification industrielle», réagit Benoît Biteau, «les intolérances au gluten, ça vient de ça».

«Quand on travaille avec du Rouge de Bordeaux, il y a un gluten bien sûr mais c'est un gluten pas du tout gluant. (…) Les boulangers me disent ''on redécouvre vraiment notre métier''», ajoute celui qui est également agriculteur.

«Du bio produit localement et consommé localement»


En 2020, l'association Bio Bourgogne-Franche-Comté représentant les producteurs en agriculture biologique – présidée par Laurence Henrio – a créé une plateforme logistique «Mangez bio» pour approvisionner la restauration collective comme les cuisines de cantines scolaires.

Une soixante de producteurs fournissent des denrées alimentaires variées. «C'est du bio produit localement et consommé localement», insiste Laurence Henriot.

«L'Espagne, en 2023, devient le pays d'Europe où il y a le plus de surfaces en bio», relève Benoît Biteau


En revanche, la présidente de Bio Bourgogne-Franche-Comté constate qu'il n'y a quasiment «plus de différence» entre les prix d'achat des produits bio et et des produits conventionnels par les coopératives céréalières. «Ça devient problématique», alerte-t-elle.

«L'agriculture française fait partie des bons élèves. Elle est responsable d'environ 20% des gaz à effet de serre. En bio, l'élevage a développé beaucoup de résilience donc c'est une agriculture pleine d'avenir et écologiquement logique et cohérente. Pour autant, on est très peu aidé par les pouvoirs publics aujourd'hui», expose Laurence Henriot.

«Les services environnementaux que vous rendez, ce n'est pas du tout pris en compte», réagit Marine Tondelier. «L'aide au maintien [en agriculture biologique] qui a disparu en 2017, c'est incompréhensible. Ça, ce n'est pas l'Europe, c'est la manière dont la France applique la politique agricole commune.»

«Le seul pays en Europe qui finance moins l'agriculture biologique que l'agriculture conventionnelle, c'est la France», regrette Benoît Biteau, «c'est parce que les bio sont moins efficaces dans les mobilisations des aides directes du premier pilier [de la PAC], comme les aides du second pilier liées à des pratiques agroenvironnementales sont rabotées, on n'arrive pas à compenser».

«Dans cette politique agricole commune, qui est de moins en moins communes et de plus en plus nationalisées, le poids des choix nationaux fait que l'on a des orientations extrêmement différentes sur la bio», poursuit le député européen qui signale cependant que l’Espagne a fait le choix de plafonner les aides agricoles du premier pilier pour «financer» les aides agroenvironnementales.

«Grâce à cette visibilité des agriculteurs bio d'un train d'aides pour les cinq prochaines années, l'Espagne, en 2023, devient le pays d'Europe où il y a le plus de surfaces en bio», précise-t-il alors que la France était jusque là sur la première marche du podium.

À noter que des Régions comme Bretagne ou Occitanie ont fait le choix de reprendre une partie des aides au maintien en bio supprimées en 2017.

«Quand on parle d'agriculture biologique, on parle d'approche globale», insiste Benoît Biteau


Dans la nouvelle politique agricole commune, un dispositif écorégime a été mis en place pour financer le développement de la bio avec un pilotage des États membres.

«Quand on parle d'agriculture biologique, on parle d'approche globale. Le raisonnement du développement de la bio uniquement par le prisme de l'économie de marché est complètement délirant. On occulte complètement l'intérêt qu'à l'agriculture biologique sur la protection du climat, sur la préservation de la biodiversité et la préservation de la santé», tempête Benoît Biteau. «On devrait rémunérer les agriculteurs. On ne parlerait plus de subventions mais de rémunérations pour services rendus à la nature, à l'intérêt commun.»

«On assiste à une concurrence déloyale. (…) Tous le poids de la dépollution liée à la pratique d'une agriculture qui utilise des pesticides et des engrais de synthèse est supporté par des enveloppes publiques. (…) On n'a pas intégré que les politiques curatives que l'on doit engager pour réparer les dégâts de l'utilisation des pesticides, c'est nous qui les payons. (…) Si demain, on avait des politiques qui intégraient toutes les aménités positives de l'agriculture biologique, on pourrait redéployer ces politiques publiques vers des solutions d'anticipation et de prévention et, donc, rémunérer les agriculteurs bio», développe le député européen.

L'aide d'urgence à la bio de 50 millions d'euros jugée insatisfaisante


«La loi Égalim était une bonne loi», enchaîne Laurence Henriot pour aborder le sujet des débouchés commerciaux. Cependant, si la loi fixe un objectif de 20% de produits bio dans la restauration collective, la moyenne nationale ressort à 6,6% en 2022.

En revanche, l'aide d'urgence de 50 millions d'euros pour la bio annoncée par Gabriel Attal, le 26 janvier dernier, depuis une exploitation de Haute-Garonne, ne satisfait ni la Fédération nationale d'agriculture biologique (FNAB), ni de Laurence Henriot.

«Il y a 60.000 fermes bio en France, ça fait 833 euros par ferme, ça va pas chercher bien loin», calcule la présidente de Bio Bourgogne-Franche-Comté.

«La COCEBI ne se rémunère que sur le commerce du grain»


«Certains acteurs sont à genoux», alerte Julien Bourgeois, président de la COCEBI, coopérative spécialisée dans les céréales produites en agriculture biologique, gérant 40.000 tonnes annuellement.

«La COCEBI ne se rémunère que sur le commerce du grain. Le métier, c'est de réceptionner, trier, stocker du grain, le rendre propre à la consommation et ça s'arrête là. Après, il y a des meuniers et d'autres entreprise en aval», expose Julien Bourgeois. «Dans le milieu général agricole, il y a du commerce de grains mais aussi de la vente d'intrants. (…) C'est d'abord ce commerce-là qui est rémunérateur et qui constitue les résultats des coopératives.»

Alors que la loi Égalim a enjoint les coopératives agricoles de séparer leurs activités de vente et de conseil des produits phytopharmaceutiques, les députés Stéphane Travert (REN) et Dominique Potier (PS) ont produit un rapport parlementaire, en juillet 2023, incitant à revenir sur cette séparation.

La délégation poursuit sa visite pour aller admirer les charolaises, bazadaises – originaires du Bordelais – et ferrandaises – originaires du Puy-de-Dôme – dans les différentes stabulations dont celle où sont les vaches venant de vêler.

Jean-Christophe Tardivon

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