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22/03/2024 18:21

AGRICULTURE : «L'énergie photovoltaïque permet de délivrer un revenu stable», assure Agnès Pannier-Runacher

Ce jeudi 21 mars, à Asnières-en-Montagne, la ministre déléguée auprès du ministre de l’Agriculture a annoncé que sera publié dans les prochains jours le décret permettant de définir localement «une stratégie d'agrivoltaïsme cousue-main».
En tant que déclinaison d'une énergie renouvelable, l'agrivoltaïme entre dans le cadre de la planification écologique voulue par Emmanuel Macron à la suite de la présidentielle de 2022.

«Dans l’objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050, le gouvernement a fait du développement des énergies renouvelables une priorité», explique le ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. «Un travail important a ainsi été mené sur l’agrivoltaïsme afin de permettre à des projets de voir le jour et de se multiplier, au service à la fois de la transition énergétique et de la souveraineté alimentaire de notre pays.»


Une spécialiste de l'énergie auprès du ministre de l'Agriculture


À quelques jours de la publication d'un décret très attendu par les partisans comme par les opposants à cette nouvelle modalité de production d'énergie, Agnès Pannier-Runacher s'est rendue au nord de Montbard, ce jeudi 21 mars 2024, pour découvrir une installation solaire (lire notre article) et participer à une table-ronde sur le thème «L’agrivoltaïsme : opportunités pour les filières et moteur de la transition agroécologique».

Ministre déléguée auprès du ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire depuis le 8 février dernier, Agnès Pannier-Runacher a été précédemment ministre de la Transition énergétique pendant près de deux ans. Autant dire qu'il s'agit pour elle de mettre en œuvre la transition énergétique spécifiquement au sein du monde agricole.

Première visite ministérielle à Asnières-en-Montagne


La table-ronde se déroulant sous le hangar d'une femme, la ministre est accueillie notamment par Carine Petry (sans étiquette), maire d'Asnières-en-Montagne, Anne Coste de Champeron, secrétaire générale aux affaires régionales de la préfecture de la région Bourgogne-Franche-Comté, Sébastien Lannoye, sous-préfet de Montbard, François Patriat (REN), sénateur de la Côte-d'Or, Hubert Brigand (LR), député de la Côte-d'Or, Patrick Molinoz (PRG), vice-président du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, Sébastien Sordel (LCOP), vice-président du conseil départemental de la Côte-d'Or, et Laurence Porte (HOR), maire de Montbard.

«C'est une première», signale la maire d'Asnières-en-Montagne, commune de  190 habitants qui n'avait encore jamais reçu de visite ministérielle.

«Il faut que les énergies renouvelables s'inscrivent dans le paysage»


En introduisant la table-ronde Agnès Pannier-Runacher se félicite de l'annonce, la veille, d'une baisse des émissions de gaz à effet de serre de 4,8% en 2023 par rapport à 2022.

«C'est l'équivalent en une seule année de tout ce qui a été fait pendant tout le quinquennat du président Hollande [NDLR : 2012-2017]», glisse-t-elle, considérant que «l'accélération est en route» alors que la France vise la neutralité carbone d'ici 2050.

En 2023, à l'initiative de la ministre a été votée la loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables dont l'objectif est de «planifier les énergies renouvelables, simplifier les procédures, mobiliser le foncier déjà artificialisé pour déployer les énergies renouvelables et mieux partager la valeur générée par ces énergies» (retrouver la présentation de la loi).

«Il faut que les énergies renouvelables s'inscrivent dans le paysage, correctement, apportent une réelle contribution à la baisse des émissions de gaz à effet de serre (…) et, s'agissant des surfaces agricoles, l'enjeu est de ne pas mettre en concurrence souveraineté énergétique et souveraineté alimentaire», développe Agnès Pannier-Runacher, «la loi écrit noir sur blanc qu'à aucun moment une installation d'énergie renouvelable peut venir en compétition avec l'enjeu de souveraineté alimentaire». «L'activité agricole doit toujours prendre le pas sur l'activité énergétique.»

Ainsi, la notion d'artificialisation des sols sera plusieurs fois abordée dans la table-ronde. La ministre rappellera que la loi prévoit le déploiement d'installations d'énergies renouvelables sur des terres «déjà artificialisées», exception faite pour l'agrivoltaïsme avec la contrainte de maintenir la production agricole sous les panneaux solaires photovoltaïques.

Concrètement, les panneaux solaires au sol sont interdits d'implantation sur des terres agricoles, à moins qu'elles soient définitivement déclassées.

Du revenu pour les agriculteurs, un avantage agronomique et de l'électricité bas-carbone


Au regard des indications fournies en bout de champ – et en bord d'installation solaire –, ce jeudi, la ministre souligne que «les projets dans l'agrivoltaïsme vont contribuer à améliorer le potentiel agronomique» des parcelles.

«La définition même de l'agrivoltaïsme est d'améliorer les conditions d'exploitation des exploitations agricoles», insiste Agnès Pannier-Runacher en faisant référence au bien-être animal ou encore à la réduction des aléas de récoltes.

«L'énergie photovoltaïque permet de délivrer un revenu stable sur des durées longues», appuie-t-elle. «un contrat, c'est 25 ans avec un revenu défini». «Cet agrivoltaïsme a un intérêt pour stabiliser les exploitations agricoles au moment où nous sommes confrontés à des défis climatiques, dont on peut penser qu'ils ne vont pas être diminués dans les années qui viennent, et à des aléas sur les marchés agricoles. Je redis que la guerre en Ukraine et la stratégie du dirigeant russe de déséquilibrer les marchés agricoles a effectivement un impact sur notre agriculture française, européenne et bien au-delà. (…) Dans la boîte à outils, l'agrivoltaïsme est une des réponses sur lesquelles ont peut compter.»

«La démarche permet à un groupe d'agriculteurs d'avoir du revenu, de tester le bénéfice agricole de l'installation et de produire de l'électricité bas-carbone au bénéfice du collectif, dans une stratégie de partage de la valeur», résume la ministre au regard du projet conjointement porté à Verdonnet par l'énergéticien TSE, le regroupement de coopératives Alliance BFC et l'exploitation agricole SCEA des Tours (lire notre article).

Publication du décret sur l'agrivoltaïsme dans la foulée du 26 mars


Le décret sur l'agrivoltaïsme présenté fin 2023 au Conseil d’État sera examiné le 26 mars prochain.

Il vise à permettre de «travailler département par département, chambre d'agriculture par chambre d'agriculture, avec les organisations professionnelles et avec les services de l’État pour définir une stratégie d'agrivoltaïsme». «L'enjeu est de se laisser suffisamment de souplesse dans le décret pour pouvoir faire du cousu-main sur le territoire.»

«La loi a permis l'ouverture du foncier»


L'énergéticien TSE (Third Step Energy) compte 17 pilotes d'agrivoltaïsme en France et 4 canopées en fonctionnement dans le Calvados, la Côte-d'Or, la Haute-Saône et la Somme. TSE envisage de développer d'autres projets en Bourgogne-Franche-Comté, principalement dans la Côte-d'Or.

«La transition énergétique, c'est de l'énergie décentralisée au cœur des territoires pour approvisionner la mobilité électrique décarbonée, agricole ou ferroviaire», résume Mathieu Debonnet, président de TSE. «La loi a permis l'ouverture du foncier avec le maintien de la production agricole et a mis en avant la nécessité du partage de la valeur.»

«Un œuf supplémentaire dans le panier des agriculteurs»


«Quand on parle d'agrivoltaïsme, l'idée c'est le partage de la valeur et surtout l'innovation», abonde Didier Lenoir, président d'Alliance BFC qui rassemble trois coopératives Bourgogne du Sud, Dijon Céréales et Terre Comtoise.

L'Alliance BFC compte un service de recherche et développement qui planche sur le sujet de façon à «avoir une vision sur l'avenir dans les rotations à mettre en place». «Rechercher de nouvelles productions, de nouvelles énergies fait partie de notre ADN.»

Considère qu'il s'agit d'«un œuf supplémentaire dans le panier des agriculteurs», «les coopératives souhaitent s'investir financièrement dans les dossiers pour sécuriser les investissements sur le long temps et faire en sorte que les agriculteurs soient tranquilles, (…) sans changement majeur dans l'actionnariat».

«On souhaite développer ces énergies renouvelables dans nos territoires, des zones intermédiaires», insiste Didier Lenoir en référence à l'agrivoltaïsme ainsi qu'à la méthanisation et aux «nouvelles cultures» pouvant être envisagées sous les canopées solaires.

L'Alliance BFC estime le potentiel s'élève à 1.300 hectares en Bourgogne-Franche-Comté. Les projets en réflexion «avancée» représentent 300 hectares.

La Côte-d'Or, pionnière avec sa charte d'agrivoltaïsme


«La Côte-d'Or est caractérisée par des plateaux à faible potentiel», contextualise Vincent Lavier, président de la chambre d'agriculture de la Côte-d'Or, «depuis longtemps, les agriculteurs ont cherché un certain nombre d'activités complémentaires pour sécuriser le système d'exploitation».

«Dès 2018, [la Côte-d'Or] a été ciblée par les énergéticiens», relève le président de la chambre départementale d'agriculture, évoquant des projets de 400 hectares. Cela a conduit à la définition d'une charte pour cadrer les projets avant même la loi de 2023 qui instigue une telle charte dans chaque département.

Le développement à marche forcée des infrastructures d'énergies renouvelables induit une file d'attente


En revanche, Didier Lenoir pointe une «inquiétude» concernant les délais de  raccordement au réseau électrique qui s'allongent, sans compter l'installation de nouveaux postes sources pouvant atteindre une dizaine d'années.

Dans le cadre de la planification écologique, une cartographie des zones propices au développement de l'éolien ou du solaire est en cours. Elle permettra d'envisager la projection des postes sources.

En raison de quoi, Agnès Pannier-Runacher laisse entendre que les projets gagneraient à s'installer près de ces futurs postes sources : «la demande est tellement énorme qu'il y aura des files d'attente. (…) Il manque de quoi construire des postes sources avec, partout dans le monde, des pays développent à marche forcée des infrastructures d'énergies renouvelables. (…) C'est une course contre la montre française, européenne et internationale».

La limite de la disponibilité des panneaux solaires


La limite au nombre de projets par territoire est fixée par la programmation pluriannuel de l'énergie et la stratégie française énergie-climat, transposée dans le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires de la Région Bourgogne-Franche-Comté.

«Il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup à faire en termes de croissances des énergies renouvelables», estime Agnès Pannier-Runacher. «Dans les cinq ans qui viennent, on sera bloqué par la disponibilité des panneaux [solaires], des installations, des porteurs de projets et des bras pour les faire», anticipe-t-elle.

La crainte d'«une agriculture à deux vitesses»


Plus critique que les intervenants précédents, Jean-Luc Loizon, président de la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural de la Côte-d'Or, dit craindre «une agriculture à deux vitesses», en fonction de la proximité des exploitations des postes sources.

Jean-Luc Loizon alerte également sur le fait qu'un poste source électrique consomme une vingtaine d'hectares de terres agricoles.

En réponse, la ministre signale que la Commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) a un droit de veto sur les installations de projets et que les postes sources peuvent être installés en zone déjà artificialisée.

«Pour partager de la valeur, il faut commencer par en créer»


Interrogée sur les conséquences du déploiement des énergies renouvelables sur le prix du foncier, Agnès Pannier-Runacher renvoie au partage de la valeur à équilibrer entre les différentes partenaires.

La ministre poursuit en s'interrogeant sur «l'équilibre de la relation encodée dans le bail rural», vu comme «très précieux» et que «personne n'a envie de rouvrir la logique de manière frontale». «Les parlementaires sont au travail sur le sujet» car «il faudra une loi parce qu'on touche à la propriété».

«Pour partager de la valeur, il faut commencer par en créer», lance avec pragmatisme la ministre, «il faut que le prix de l'électricité qui sort soit compétitif».

«Une des réponses à l'adaptation de nos pratiques agricoles au changement climatique»


Pierre Renault, directeur scientifique adjoint à l'environnement de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE), relève «plusieurs avantages» au solaire photovoltaïque : une énergie sans perte en chaleur importante, plus productive que la biomasse, permettant un gain de production agricole entre 30% et 70%, participant au bien-être animal sans compter les potentielles «révolutions» à venir dans la conception des cellules et le stockage de l'énergie sous forme d'hydrogène.

Cette fois, Agnès Pannier-Runacher tempère l'enthousiasme de l'intervenant en évoquant «les prix négatifs en plein cœur de l'été». L'ex-ministre de la Transition énergétique poursuit en se disant «agnostique» concernant le recours à l'hydrogène comme vecteur.

«Il n'y a pas de martingale, c'est un ensemble de solutions», complète-t-elle, «l'agrivoltaïsme peut être une des réponses à l'adaptation de nos pratiques agricoles au changement climatique». «Il faut modéliser le climat en 2030 ou 2050 pour trouver le bon modèle [de mix énergétique]».

Réponses aux syndicats agricoles


«La production d'énergie est un relais de croissance dans nos zones intermédiaires», reprend pour sa part Jacques Carrelet de Loisy, président de la FDSEA de la Côte-d'Or. Lui aussi, appelle à «un raisonnement par rapport à la localisation pour que les projets soient acceptés».

«Il y a une discipline absolue à avoir des développements ordonnés, plus il y aura de mauvais projets, plus il y aura de la controverse, probablement fondée», réagit la ministre, «ce doit être une activité secondaire sur un territoire agricole».

Président des Jeunes Agriculteurs, Baptiste Colson appelle à mettre «des garde-fous» en matière de transmission d'exploitation de façon à ce que les projets énergétiques ne fassent pas «augmenter les coûts de reprise». «Une question à travailler dans le sujet du partage de la valeur», réagit la ministre.

Bien qu'invitée, la Confédération paysanne n'est pas représentée à la table-ronde. Les représentants locaux du syndicat agricole estimant avoir été prévenus «trop tardivement».

Pour autant, leur hostilité à l'agrivoltaïsme est bien connue, notamment en raison d'une crainte de «perte d'autonomie des paysans» (retrouver le communiqué).

Interrogée par Infos Dijon à l'issue de la table-ronde, Agnès Pannier-Runacher met en avant «les interdictions à agir» intégrées à la loi de 2023 : «elle formule très clairement qu'un projet qui serait contraire à la production agricole ne peut pas être autorisé et qu'elle donne au CDPENAF la possibilité de mettre des vétos sur des projets, c'est très nouveau». «[La Confédération paysanne] sera partie prenante des travaux que nous ferons avec les chambres d'agriculture, précisément pour faire émerger les bons projets et pour s'assurer que, sur tous les territoires, la loi soit respectée.»

Un arrêté ministériel portant sur les sanctions en cas d'éventuels manquements de la part des porteurs de projet est en cours de rédaction. Il devrait être publié dans les prochaines semaines.

Réponses aux collectivités territoriales


Fin 2023, le bloc communal a élaboré un zonage dans le cadre de «l'accélération» du développement des énergies renouvelables. Sébastien Sordel s'interroge sur la suite donnée. Agnès Pannier-Runacher renvoie vers le Conseil régional de l'énergie qui aura à valider les dits zonages au regard de sa programmation pluriannuelle, permettant une inclusion dans les documents d'urbanisme en procédure accélérée.

Saluant une «chance pour l'agriculture», Patrick Molinoz attire l'attention de la ministre sur la qualité d'élaboration des projets et pointe une question fiscale : « la fiscalité sur le solaire oublie le premier acteur parmi les collectivités qui porte les enjeux». La ministre renvoie à des réflexions d'un groupe de travail parlementaire sur la fiscalité qui envisageait des «rééquilibrages» à mener avec les autres strates territoriales. Réflexions qui n'ont pas été retenues dans le projet de loi de finances pour 2024.

Jean-Christophe Tardivon

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