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15/04/2024 03:18

Christian Prudhomme : «Pour Evenepoel, c'est capital de gagner du temps en Côte-d’Or, sinon, les derniers jours, il ne pourra pas résister à Vingegaard»

Christian Prudhomme, Laurent Jalabert, Bernard Thévenet et François Sauvadet étaient présents au parc des expositions de Dijon, ce vendredi 12 avril.
Les fans de cyclisme s'étaient donné rendez-vous, ce vendredi 12 avril 2024, au parc des expositions de Dijon. Trois légendes du Tour de France ont participé au Salon des séniors organisé par le Département de la Côte-d'Or : Christian Prudhomme, Laurent Jalabert et Bernard Thévenet.

Les trois hommes se sont prêté au jeu d'une grande foire aux questions, accompagnés par François Sauvadet, président du conseil départemental de Côte-d'Or. Plusieurs thèmes ont été évoqués comme le patrimoine, l'économie, les récentes blessures des favoris du Tour ou encore la sécurité comme l'a évoqué un agent du conseil départemental, pilote de l'opération Tour de France : « Il y a une grosse organisation derrière, on a une pression énorme. L'idée c'est de sécuriser au maximum les coureurs pour le passage en Côte d'Or, mais c'est aussi de sécuriser la course pour les nombreux spectateurs que vous allez être le long de la route. Donc c'est un gros boulot, en lien avec la préfecture et en lien avec les communes traversées. C'est une très grosse équipe, c'est une très grosse machine et on espère que ça va bien se passer et d'ailleurs je suis sûr que ça va bien se passer ! »


Économie


Christian Prudhomme
« Nous avons la chance d'être dirigés par une famille qui s'appelle la Famille Amaury.
La Famille Amaury est rentrée dans l'histoire du Tour de France par Emilien Amaury, qui est un grand résistant à qui on a donné "Le petit parisien" qui est devenu après la guerre "Le parisien libéré".
Un axe fondamental de la famille, c'est : Le Tour de France est diffusé sur des chaînes gratuites, générales et si possible de service public. On ne gagne pas un maximum d'argent avec les droits Télé, on gagne de l'argent en touchant un maximum de gens. Et c'est ensuite, parce qu'on a touché un maximum de gens, que l'argent arrive. C'est un peu comme Bernard Hinault qui dit "Tu veux gagner de l'argent, tu ne gagneras pas de course et si tu gagnes des courses, tu gagneras d'argent." 
Si jamais un jour la famille Amaury ne sera plus propriétaire du Tour, il faudra corser les choses pour le défendre coûte que coûte ! »

Sécurité


Laurent Jalabert
« Il faut trouver des solutions, ça c'est sûr, mais c'est tellement récurrent et ça touche les coureurs de premier plan alors ça pose question effectivement. Je pense qu'il y a besoin de réfléchir aux solutions qu'il faut trouver.
Pourquoi il y a autant de chutes ? On peut incriminer la vitesse. On l'a remarqué sur Paris-Roubaix, encore une fois il y a un record qui est tombé et le précédent record datait de l'an dernier. Donc ça va de plus en plus vite.
Et on le sait, la vitesse c'est souvent un facteur aggravant et ça induit des accidents. Le temps de réaction est trop court et on est directement dans le tat. Le matériel qui a beaucoup évolué est très performant mais c'est des machines de guerre. Ce sont des vélos qui sont difficiles à piloter et finalement très rigides. Avec des freins qui sont extrêmement puissants et très précis. L’effet pervers c'est que les coureurs bien souvent reçoivent la consigne de se placer devant, via les oreillettes, de rester devant, donc ils sont sous pression permanente et ils retardent le freinage jusqu'au dernier moment et quand tu actionnes les freins avec la puissance de ces freins et bien c'est difficile de garder le contrôle de sa machine... Ça c'est un facteur aggravant !
Et puis il y a aussi ces compteurs où maintenant les gars ne se fient plus qu'à leurs yeux. Ils ont aussi le parcours sur le compteur. Dès qu'il y a un virage annoncé ça Bip et on les voit souvent regarder leur truc. Et quand tu lèves la tête, c'est comme si t'es en voiture et que tu regardes ton téléphone parce que tu reçois un message, ta machine elle va de l'autre côté. Un vélo, c'est à peu près la même chose. Quand tu roules à 60 km/h, il faut avoir les yeux bien ouverts et regarder en face. Les mains sur les freins, être prêt à anticiper…
Donc, il y a beaucoup d'axes de réflexion mais l’UCI a du boulot parce qu'il faut trouver des solutions pour essayer de réduire au maximum les chutes, même si elles ont toujours été présentes dans le vélo…»

Bernard Thévenet
« Effectivement, depuis qu'on a maîtrisé le carbone, on a fait des cadres qui sont très performants. Si vous regardez les magazines de vélo par exemple, la plupart du temps, quand on fait une étude sur un cadre, on regarde surtout la rigidité, on regarde la performance mais on ne regarde pas la tenue de route.
Et je pense que faire des cadres trop rigides n'est pas une bonne solution. On a vu dans le récent tour du Pays Basque ce gars qui passe sur un petit truc, une racine, le vélo comme il n'est pas souple du tout il saute et quand il atterrit il part en travers.
Donc il faudra peut-être chercher un peu plus de souplesse, mais comme le disait Laurent, l’UCI a du boulot. Qui va déterminer comment on calcule la tenue de route d'un vélo ?
D'autre part, il y a aussi le fait que les coureurs font de moins en moins de courses, de plus en plus d'entraînement en solitaire. Les gars font de moins en moins de courses et donc ils sont de moins en moins habitués à rouler en peloton.
Comme le disait aussi Van Der Poel, il y a des coureurs qui vont un peu trop jouer avec la limite et puis à un moment ils dépassent la limite...
La quatrième chose aussi qui interpelle, ce sont le nombre de fractures. Parce que maintenant, à chaque fois qu'il y a une chute, il y a des fractures. Nous aussi on tombait à l’époque, mais il y avait moins de fractures que maintenant !
Maintenant à tout moment, il y a beaucoup de dégâts. Alors tout ça, c'est plus du domaine médical que du problème mécanique. Mais c'est vrai qu'il y a beaucoup de questions à se poser et les solutions ne sont pas faciles à trouver du tout…»

François Sauvadet
« Quand on circule à vélo, il faut faire attention. Il faut se protéger, mettre un casque, une protection, avoir des vêtements pour anticiper la chute. Respecter le code de la route aussi, ça ça s'adresse surtout aux urbains… Entre la trottinette et les vélos, quand on est piéton on se demande qui des deux va y rester. (En général, c'est le piéton qui prend le plus cher...) 
J’aimerais rendre hommage à nos agents des départements qui sont très impliqués pour faire que le Tour se passe dans les meilleures conditions de sécurité. On a 5 800 km de routes dont le département à la charge de l'entretien avec nos agents. 

Il faut que les spectateurs soient responsables pour ne pas se mettre eux-mêmes ou mettre les coureurs en situation de difficulté. Quand on voit parfois les images où les personnes se rapprochent à toucher le vélo, il faut quand même que tout le monde fasse attention à la question de la sécurité. C'est une question première. 
La force du sport, c'est de distinguer les meilleurs en respectant les règles du jeu. Le dépassement de soi et l’esprit d’équipe ça doit être une source d'inspiration. Le sport, ça doit rassembler, ça doit rester une véritable valeur de cohésion.»

Patrimoine


Laurent Jalabert
« Je ne révise pas les départements avant de commenter une course, Franck Ferrand est là pour l'aspect patrimonial et j'apprends beaucoup. Il explique tous les monuments et c'est vrai que moi je regarde un aspect compétition mais à côté de ça je m'instruis aussi parce que j'apprends des choses tous les jours en regardant la télévision et commentant le Tour de France. C’est vrai aussi que depuis toutes ces années où je me suis amené à aller à droite, à gauche, partout en France et ailleurs, ça m'a fait découvrir du pays et sans avoir forcément à les étudier mais j'ai connu des gens, j'ai connu des villes. C’est un vrai enrichissement personnel. »

François Sauvadet
« Le Tour, ce n'est pas simplement une manifestation sportive, c'est aussi la découverte de paysages, redécouvrir la chance que nous avons dans cette diversité.
Quand Tony Estanguet a organisé les Jeux Olympiques et le passage de la flamme, le premier institutionnel qu'il est venu voir c'est les départements de France.
Parce qu'on est tous de sa commune d'abord, on est tous de son village, on habite sa ville. Et puis en même temps, la deuxième chose, on est bien sûr de son pays, mais on est de son département.
Moi je ne me sens pas très bien comme Bourgui-franc-comtois, vous voyez ce que je veux dire ? Je suis Côte-d'Orien, je suis français, et j'habite à Vitteaux. Et ça, ça a du sens, parce que ce qui fait la force de cette histoire, c'est que les habitants ont des racines. Et ce retour aux racines que l’on observe, cette volonté de redonner du sens dans des vies qui sont bousculées, je trouve que c'est essentiel.
Ces événements sportifs là, ils sont des marqueurs et donc la flamme, elle passe dans les départements. Elle ne passe pas dans les régions, elle aurait pu choisir les métropoles, non. Elle passe dans le département. Derrière la fierté qu'on a d'être de sa commune et dans son département, ça participe au retour de la fierté française. Notre diversité de paysages, notre diversité d'histoires, notre diversité de vies, en ville ou à la campagne, fait que c'est une formidable chance qui est donnée de le redécouvrir.
Je remercie sincèrement les équipes d’ASO et les équipes de production d'images. Ils ont discuté avec nous de ce qu'on voulait nous aussi montrer de notre terre. Pas simplement ce qui est connu dans le monde entier. Montrer l’Auxois, ses vallées, la beauté de nos paysages qui sont préservés et qui sont une chance qu'on redécouvre aujourd'hui.
C’est ça qui est la force, la puissance du Tour. C'est qu'on se retrouve chez nous, on se voit chez nous, et on se voit d'un peu plus haut que d'habitude. Et ça rend service de regarder d’un peu plus haut quand c’est agité en dessous.» 

Les performances des Français 


Bernard Thévenet
« On ne voit pas bien à qui pourra succéder a Bernard Hinault dans les deux ou trois années qui viennent. Pour l'instant, des noms on en a, des beaux coureurs français il y en a. Il y a Martinez dernièrement, il y a 3-4 très bons coureurs, mais malheureusement il y a des Pogacar ou des Vingegaard en face qui eux sont très très forts et tant qu'ils ne sont pas un petit peu en baisse, ça sera difficile de les battre.
Notre problème c'est qu'on juge un petit peu trop le cyclisme français par rapport à ses résultats dans le Tour de France. Plus souvent, on a la chance et le handicap d'avoir la plus grande course du monde qui est le Tour de France, donc on oublie toutes les victoires françaises qu'il y a dans d'autres épreuves et on ne garde que le Tour de France. Julian Alaphillipe a été deux fois champion du monde quand même ! Ce n'est pas rien ! Il y a beaucoup de pays qui voudraient bien avoir un coureur qui est deux fois champion du monde... Ben oui, mais nous on reste un petit peu trop figés sur le Tour de France. Il faudrait qu’on apprenne à regarder le cyclisme à d'autres moments. »

Les favoris blessés


Bernard Thévenet
« C’est sûr que c'est une bonne année pourrie pour certains concurrents parce que Pogacar aura fait un Tour d'Italie donc peut-être que dans le Tour de France il sera un petit peu moins fort et je pense que Vingegaard ça paraît difficile qu’il ait pleinement récupéré en un laps de temps aussi court. Maintenant on a des coureurs qui bénéficient d'entraîneurs qui sont très performants eux aussi et qui sont capables d'amener un coureur à un très bon niveau dans des temps qui sont bien plus courts que ce qu'on avait à notre période ou même la période de Laurent.
Peut-être que la Danois aura retrouvé une mesure de ses moyens mais j'en doute fort quand même pour le moment. C’est sûr que c'est une bonne opportunité pour les français, peut-être pas de gagner le tour, mais au moins de monter sur le podium… »

Laurent Jalabert
« J’ai un peu la même analyse que Bernard. Il reste encore plus de deux mois pour le Tour de France et c'est vrai qu'il y a des blessures qui prennent du temps pour être guéries.
Vingegaard a un pneumothorax et c'est préoccupant… Mais je suis allé discuter ces jours-ci avec un pneumologue et il m'a dit que ce n’était pas si grave et qu'en deux mois il sera remis. Normalement il pourrait être au départ du Tour, et s'il est un peu moins fort, moi j'ai envie de dire : "Tant mieux !".  S’il est un peu moins fort et que Pogacar est un peu fatigué, on va avoir un niveau plus resserré et une ambiance sympa, avec des coureurs qui se tiennent à 3-4 dans un mouchoir, et si Roglic est là, et que Gaudu arrive à changer de vitesse maintenant qu'il a cassé son poignet, ça ira mieux aussi et ça ça va être super ! »

Christian Prudhomme
« Remco Evenepoel la pépite belge qui est aussi tombée la semaine dernière, et Tadej Pogacar, devraient prendre un peu l'ascendant sur Vingegaard qui est attendu surtout la dernière semaine. Alors il a dit « si je ne suis pas à 100%, je ne serai pas au départ du Tour », mais sauf que son Tour de France à lui c'est surtout 19, 20 et 21 juillet, alors que pour d'autres, c'est le contraire, c'est ici en Côte d'Or, c'est gagner du temps ici…
Pour EvenePoel, c'est absolument capital de gagner du temps en Côte d'Or, parce qu'autrement les derniers jours, il ne pourra pas résister à Vingegaard. 
Ça va mettre encore plus de suspens. Nous, on souhaite évidemment le meilleur aux coureurs qui sont tombés, à ceux qui sont connus et à ceux qui ne sont pas connus. On espère les avoir au départ du tour, parce qu'on doit se retrouver avec 4 As dans 4 équipes différentes et on espère évidemment qu'ils seront là. On regardera attentivement le résultat à Dijon et puis évidemment sur le chrono de Nuit Saint-Georges à Gevrey-Chambertin ! »

Tour de France Féminin

François Sauvadet
« Je suis très heureux aussi pour la France, qu'on ait relancé le Tour de France féminin. Nous avons des championnes, des femmes formidables, qui font aussi leur Tour désormais, et je souhaite que ça ait un fort retentissement ! »

Manon Bollery




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