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15/04/2024 18:57

BOURGOGNE-FRANCHE-COMTÉ : De la régulation à la cohabitation, les nuances des élus régionaux face à la recrudescence d'attaques de loups

Devant le préfet Franck Robine, les élus de la Région ont livré, ce jeudi 11 avril, à Dijon, un débat nuancé alors que les attaques de troupeaux imputées à des loups ont fortement augmenté en 2023, notamment en Saône-et-Loire. «Nous avons besoin de ces prédateurs en forêt et pas ailleurs», a déclaré l'écologiste Stéphanie Modde.
«Le loup fait des dégâts» : le constat de Marie-Guite Dufay (PS) est implacable car «la prédation atteint nos éleveurs». Aussi, pressée par ses oppositions pour organiser un débat sur les conséquences de l'expansion de loups en Bourgogne-Franche-Comté, la présidente de la Région a inscrit à l'ordre du jour de la session de ce jeudi 11 avril 2024 un débat afin de «trouver des solutions».

Le préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté Franck Robine a été invité pour exposer préalablement le Plan loup de façon à cadrer les échanges. Le représentant de l’État s'est ainsi posé en arbitre entre les hérauts des éleveurs et les chantres de la biodiversité.


L’État entend «poursuivre la coexistence du loup avec les activités d'élevage»


«Si la Région n'a pas la compétence, elle a la responsabilité, comme collectivité, sur un sujet de société comme celui-là, de pousser au dialogue, de pousser la connaissance, (…), de pousser des expérimentations de solutions concrètes», déclare Marie-Guite Dufay en préambule.

«Je suis conscient de la sensibilité de ce sujet et il est profondément humain ; on ressent beaucoup de détresse face aux éleveurs touchés par une attaque», enchaîne le préfet, entouré du directeur de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement, du directeur adjoint de la direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt et de la directrice régionale de l'Office français de la biodiversité.

Le représentant de l’État rappelle que le «Plan national loup et activités d'élevage 2024-2029» – son intitulé complet – a été présenté en février dernier, copiloté par les ministres respectivement chargés de l'agriculture et de l'environnement. Un plan qui a «l'ambition de poursuivre le maintien du loup comme espèce protégée et la coexistence avec les activités d'élevage».

203 loups ont été éliminés en France en 2023


Le nouveau Plan loup fait évoluer la méthode de comptabilisation des individus pour atteindre un «consensus» : dans toute la France, 5.300 correspondants  relèvent des indices de présence de loups qui seront génétiquement caractérisés pour suivre les populations.

En 2023, on dénombrait environ 1.100 loups sur le territoire métropolitain. «La France est parvenue à un seuil de population qui permet de préserver l'espèce», analyse le préfet.

Cette population globale sert à définir le nombre maximum d'individus qui peuvent être éradiqués dans une année qui est de 19%. Ainsi, en 2023, 203 loups ont été éliminés après des attaques sur des troupeaux, les tirs ne pouvant se faire que sur autorisation préfectorale.

Plus de 150 attaques en Saône-et-Loire en 2023


Territoire le plus proche des Abruzzes (Italie), origine de l'expansion des loups en France, le Jura est le département qui a été colonisé le premier. On estime que trois meutes sont installées dans le Massif du Jura, dans des zones frontalières avec la Suisse.

Le Jura a aussi connu en premier des attaques de troupeaux, dès 2007. Ont suivi notamment le Doubs en 2011, la Côte-d'Or en 2013 et la Saône-et-Loire en 2019.

Nombre d'attaques par département en 2023
Côte-d'Or : 28 constats indemnisables, 2 constats toujours en cours d'étude
Doubs : 19 constats, 4 en cours
Jura : 13 constats
Nièvre : 11 constats, 1 en cours
Haute-Saône : aucun
Saône-et-Loire : 151 constats (soit 116 de plus qu'en 2022), 5 en cours
Yonne : 16 constats, 1 en cours
Territoire de Belfort : 1 constat
Total : 252 constats indemnisables (soit 126 de plus qu'en 2022)

La situation est donc particulièrement grave en Saône-et-Loire où un loup a été blessé récemment lors d'un tir défensif avant de s'enfuir (lire notre article).

«Pour l'instant, on n'a pas constaté la présence d'un individu deux années de suite en Saône-et-Loire», note le préfet qui s'attend à «ce que la situation évolue», autrement dit que le nombre d'attaques diminue avec le départ ou le décès du loup en question.

Un individu isolé serait présent de façon permanente dans l'Yonne.

À partir de mai, un site Internet permettra de suivre l'évolution des loups repérés par la génétique. À noter que les individus issus de croisements représentent environ 3% des attaques.

L'indemnisation automatique de certains éleveurs ovins est en réflexion

 
Le nouveau Plan loup a revu à la hausse les barèmes d'indemnisation des éleveurs en cas d'attaque.

La non-protégeabilité des troupeaux est reconnue pour les bovins, ce qui implique une indemnisation automatique des éleveurs. Une réflexion est en cours pour les ovins, les éleveurs n'étant indemnisés pour l'heure que s'ils ont installé des mesures de protection comme le recours aux chiens de berger, aux filets voire aux colliers de phéromones en cours d'expérimentation.

Julien Odoul appelle à «réguler» les loups


«Nous sommes arrivés à un seuil où nous pouvons préserver l'espèce lupine sur l'ensemble du territoire national», se félicite Julien Odoul (RN), premier opposant à commenter la situation.

«La préservation de ce prédateur conduit à l'extinction d'une autre espèce, celle des éleveurs», enchaîne-t-il néanmoins, «nous ne pouvons pas envisager la diminution constante du nombre d'éleveurs».

«La présence du loup est un coup de massue supplémentaire», déclare l'élu populiste qui craint que «l'élevage appartienne à l'histoire» et relaie «le sentiment de colère» de certains éleveurs. «La seule manière de pérenniser l'élevage, les activités pastorales et ce beau métier d'agriculteur, c'est véritablement la régulation.»

Valérie Deloge demande que la Région participe à l'indemnisation des éleveurs


Pour sa part, Valérie Grangier renvoie à la régulation préventive effectuée récemment en Suisse où le nombre de meutes a été réduit de 60% durant l'hiver (retrouver l'article du Matin).

Éleveuse ovin de profession, Valérie Deloge (RN) insiste sur l'aspect économique des prédations : «le manque à gagner peut atteindre 8.000 euros pour une seule attaque». L'élue de la Saône-et-Loire demande que la Région participe à l'indemnisation des éleveurs.

Gilles Platret propose le «tir offensif» des loups dans des zones d'élevage «sacralisées»


Gilles Platret (LR) insiste sur la situation des éleveurs qui «qui travaillent au plus près de la nature et qui l'entretiennent». L'opposant relève que le loup est «le seul animal au-dessus de l'échelle de prédation protégé par la convention de Berne».

«Dans la Drôme, la population de mouflons a presque complètement disparu, la population de chevreuils a baissé de moitié», assure-t-il, «c'est une menace sur la biodiversité, s'il n'est pas régulé».

Gilles Platret recense, en 2023, 356 animaux «dévorés» en Bourgogne-Franche-Comté, dont 255 en Saône-et-Loire. En fonction de quoi, l'élu de ce département suppose «la présence permanente de deux meutes» dans un axe Autun-Mâcon.

L'opposant demande la publication des analyses génétiques des loups prélevés pour envisager le taux d'hybridation, revendique le déclassement d'espèce «strictement protégée» à «protégée» ainsi que «l'adaptation du Plan national loup à la réalité du terrain» dont «la sacralisation d'un certain nombre de zones d'élevage où l'on pourrait passer d'un tir défensif à un tir offensif».

Jocelyne Debellemanière demande la création d'une «brigade grands prédateurs»


«Il faut reconnaître le droit aux éleveurs de se défendre», enchaîne Jacques Grosperrin (LR) qui cite le financement en Région Auvergne-Rhône-Alpes – présidée par Laurent Wauquiez (LR) – de lunettes de visée et de drones pour équiper les louvetiers.

Dans la foulée, Jocelyne Debellemanière demande la création d'une «brigade grands prédateurs» complétant celle existant à Gap (Haute-Alpes) et Rodez (Aveyron). «Elle fait quoi ?» demande Marie-Guite Dufay. «Elle flingue !», lance Gilles Platret hors-micro.

«Le bocage Charolais n'est pas protégeable», avance Gérald Gordat


Autre élu de la Saône-et-Loire, Gérald Gordat (HOR) rapporte le témoignage d'un maire confronté lui-même aux «situations de détresse totale» des éleveurs.

En fonction de quoi, Gérald Gordat revendique «le bien-être animal» pour les cheptels, suggère de revenir «au quota initial» de 500 loups au niveau du territoire national et revendique la notion de «région non-protégeable» en avançant que «le bocage Charolais n'est pas protégeable» au moment où il demande une inscription au patrimoine mondial de l'UNESCO.

Pour sa part, Denis Thuriot (REN) demande si «le stress des animaux [d'élevage]» sera pris en compte dans le futur barème d'indemnisation ainsi que «les conditions de travail» des éleveurs.

Les communistes proposent d'indemniser les attaques de chiens-loups


Patrick Blin (PCF) rappelle que le statut du loup pourrait évoluer de «strictement protégé» à «protégée». L'élu communiste propose d'inclure les races de chiens-loups dans les critères d'indemnisation, de créer des brigades loup en capacité d'intervenir rapidement, de renforcer les effectifs de louvetiers, de communiquer en temps réel auprès des éleveurs de la zone d'attaque, de prendre en compte de la baisse de la fertilité ainsi que de la productivité et de prendre en charge à 100% les investissements pour la protection.

Gilles Lazar (PCF) souhaite être éclairé par un éventuel retour d'expérience sur l'élevage dans le Mercantour, en Italie et dans les Balkans.

Jérôme Durain en appelle à «un vrai service public de la protection des agriculteurs»


Jérôme Durain (PS) demande «la clarification» de l'estimation de la population, le régime de tirs et les modalités de financement des protection.

«Nous étions présents pour équiper les louvetiers», signale l'élu de la Saône-et-Loire qui propose que l’État crée «un vrai service public de la protection des agriculteurs».

Également éleveur dans le sud Morvan, Fabrice Voillot (PS) évoque «une impréparation de nos territoires» pour «envisager cette cohabitation».

La Région a recruté deux médiateurs pour accompagner les éleveurs


Président de l'Agence régionale de la biodiversité, Stéphane Woynaroski (PS)  explique que la Région a financé un poste de médiateur pour réaliser gratuitement des diagnostics auprès des éleveurs du Doubs après des attaques. Un second médiateur a été recruté spécifiquement pour la Saône-et-Loire.

Ces médiateurs accompagnent l'expérimentation de dispositifs innovants dont les colliers de phéromones qui, portés par des moutons, font croire aux loups qu'un autre loup est déjà présent sur le territoire. Une trentaine ont été déployés gratuitement en 2022 puis 150 en 2023.

«Nous avons fait le choix de l'action sur le terrain pour expérimenter et accompagner», assure Stéphane Woynaroski.

«C'est bien à la puissance publique d'accompagner cette transition», déclare Claire Mallard


«Le loup est présent dans la région depuis 15 ans», constate Claire Mallard (EELV), «que de retard pris avec tant d'inaction publique». L'élue écologiste remercie le comité de pilotage sur le loup pour «ne pas laisser à la peine les éleveurs face aux bouleversements qu'induit la présence du loup». «Nous partageons l'idée que les éleveurs n'ont pas à prendre en charge les moyens de protection et que c'est bien à la puissance publique d'accompagner cette transition.»

Selon Claire Mallard, dans les Alpes, depuis 2018, les dommages sont en baisse de 22% malgré une augmentation des effectifs de loups de 110%.

À son tour, l'élue de la Saône-et-Loire demande à expérimenter des mesures adaptées aux zones de plaine et considère l'évocation de deux meutes dans le département comme relevant du «fantasme».

Faisant référence à «des études écologiques liées à la régulation de l'espèce à l'échelle européenne», l'écologiste analyse que «atomiser les meutes entraînent des dispersions plus importantes de jeunes loups qui partent prématurément et vont augmenter le risque de prédations des animaux domestiques» et que «quand on tape dans une meute, sa régulation habituelle va être perturbée et donner lieu à des reproductions plus importantes».

Autrement dit, prélever des loups à mauvais escient pourrait accentuer les prédations d'animaux d'élevage au lieu de les réduire.

«Nous avons besoin de ces prédateurs en forêt et pas ailleurs», déclare Stéphanie Modde


«Nous, écologistes, sommes conscients de la détresse des élevage mais également du danger de déclin de l'élevage extensif», assure Stéphanie Modde (EELV) avant de déclarer que «nous avons besoin de ces prédateurs en forêt et pas ailleurs».

Tout en considérant que le seuil de 500 loups reproducteurs n'est pas encore atteint, l'élue écologiste insiste sur la notion de «cohabitation» plutôt que de «coexistence» et incite à accumuler plus de connaissances scientifiques sur l'éthologie du Canis lupus italicus et appelle à «une meilleure indemnisation des éleveurs».

Augmentation du nombre de louvetiers et des autorisations de tirs défensifs


En réponse aux questions des élus régionaux, le préfet signale que le nombre de louvetiers augmente dans tous les départements. En Côte-d'Or, par exemple, ils sont passés récemment de 16 à 28. L’État a augmenté l'enveloppe à leur disposition pour s'équiper et une mission nationale a été lancée pour envisager le futur de leur action.

Par ailleurs, la brigade nationale loup est venue dans plusieurs départements de la région, comme la Saône-et-Loire et la Côte-d'Or, pour former les louvetiers et exercer une veille sans toutefois prélever de loup.

Dans le Jura en particulier, 32 arrêtes préfectoraux de tirs défensifs ont été pris depuis début 2023 contre 22 sur l'ensemble de l'année 2022.

Selon le préfet, les attaques liées à des races croisées est estimé à 3% du total.

Des autorités italiennes se sont tournées vers la France pour étudier la méthode afin d'évoluer en raison de la «pression» de la population de loups.

Même si Franck Robine écarte le principe de «région non-protégeable», Marie-Guite Dufay conclut le débat en rappelant sa revendication que les spécificités respectives des bocages et des prés-bois soient «plus prises en considération» par le Plan loup.

Jean-Christophe Tardivon

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